J'ai revu avec un grand plaisir ce dessin animé que je n'avais pas revu depuis une vieille VHS dans les années 80, Wah ! ça ne me rajeunit pas ce genre de spectacle, mais j'ai adoré parce que j'ai gardé beaucoup de mes goûts de ces années là, tout en étant conscient que parfois je m'enflammais pour pas grand chose. Mais dans le cas présent, j'ai retrouvé les sensations que j'avais éprouvées d'abord sur grand écran lors de la sortie du film, parce que c'était un genre de film très peu abordé à cette époque ; en 1983, Ralph Bakshi profitait de la vogue Conan entamée par Milius avec Conan le Barbare.
Après son chat lubrique de Fritz the Cat, les délires psychédéliques de American Pop et la fable sombre de Wizards, Bakshi prend un virage avec son adaptation semi-ratée du Seigneur des Anneaux, le ton devient différent, il plonge dans la fantasy, d'où ce Tygra, la glace et le feu où il livre un récit purement fantasy qui voisine même avec la dark fantasy et qui reprend des éléments classiques du genre (grosses brutes bodybuildées en peau de bête, zombies-soldats, grosses épées, créatures infernales, tribus primitives, décors fantasmagoriques et mythologie fascinante).
L'héroïne est une superbe princesse au bikini antique ultra minimaliste qui laisse admirer des formes opulentes, Bakshi est direct mais reste sage parce qu'il n'y a jamais rien de sexuel dans ses attitudes ou même dans celles des créatures au faciès néanderthalien qui l'ont kidnappée. Bakshi lui donne juste une apparence sexuée pour servir de fantasme ambulant afin de toucher un public large, pas question de répéter ce qu'il a fait avec le chat libidineux qui ne visait qu'un public marginal, il livre un dessin aminé pour adultes mais qui reste abordable par tout autre public.
Grâce aux dessins de Frank Frazetta, considéré comme un véritable artiste de la BD fantastique aux USA, Bakshi développe un imaginaire très riche à travers une histoire au contenu simple mais avec des personnages hauts en couleur et une violence contenue tout en sortant le genre du dessin animé de l'ornière confortable et doucereuse où l'avait enfermé Walt Disney. On reconnait là aussi un personnage féminin idéal typique de Frazetta, et l'asso de l'artiste et de l'animateur s'avère très intéressante malgré son côté qui aujourd'hui paraitra certes très kitsch, il faut juste recontextualiser.
Ce qui donne aussi un plus à ce film, c'est la technique d'animation qui s'appuie sur le rotoscope, appareil qui permet de filmer d'abord des silhouettes d'acteurs que l'on calque ensuite sur les dessins, c'est une technique qui n'est pas nouvelle, Tex Avery l'avait déja utilisée à la Warner dans les années 40, et même Walt Disney dans Alice au pays des merveilles. Ici, ça donne une incroyable fluidité au mouvement et aux personnages, et bien sûr à Tygra qui remue si joliment sa fabuleuse poitrine. Le dessin est agressif, les couleurs sont violentes, les décors extrêmement soignés, et les personnages bougent avec une grâce étonnante. Il n'y a pas de répit, ça va vite, la violence s'affirme même si le sang se fait discret (encore cette idée du tout public), l'image agrippe le regard, et d'un seul coup, j'avais l'impression que tout le bric-à-brac héroïque à la Conan que je lisais étant ado, me revenait à la face, tout ce qui pouvait enrichir l'esprit d'un gamin nourri de BD revenait en vrac, c'était incroyable. Et Tygra, houlala, quelle fille fantasmée pour un ado normalement constitué !
Un truc qui m'a surpris, même à l'époque, c'est que le héros musclé qui tente de sauver Tygra a un vague air de Rahan, alors que je doute que Bakshi en ait jamais entendu parler ; voici en tout cas un pur produit années 80, de la fantasy gentillette tout public, pas trop dark et pas trop anti-politiquement correcte, qui m'a rappelé bien des souvenirs.