Quelques années après la première adaptation du Seigneur des Anneaux sortait Tygra, la glace et le feu, un animé de qualité trop peu connu du grand public. Du même réalisateur, le talentueux Ralph Bakshi, qui nous avait donc fourni les premières aventures sous LSD de Sam et Frodon, cet animé de Dark Fantasy se démarque des autres par sa technique d'animation somme toute particulière : la rotoscopie, imagerie particulière mélangeant des prises de vue réelle avec des dessins.
Elle y a pour conséquence première une fluidité des déplacements à toute épreuve, et permet au film d'avoir moins vieilli de son animation que de ses dessins. Car si les détails de ses personnages (corps, visages, détails dessinés mouvants comme des vagues suivant les images) sont très décevants, on ne saurait en dire de même de l'animation, parfaite pour mettre en scène les mouvements de toute sorte.
On se retrouvera ainsi avec une histoire visuellement dynamique et propice à des combats tout aussi bien chorégraphiés, soutenus par une bande-son de qualité et des couleurs soignées. Le film possède une grande personnalité artistique, et nul doute que ses planches marquent encore longtemps après le visionnage, preuve d'un grand travail apporté à l'égard de la partie visuelle de l'oeuvre.
On regrettera cependant que Tygra, la glace et le feu ait décidé de privilégier la forme au fond, nous offrant une coquille certes belle en extérieur mais affreusement vide d'intérieur. Car si l'on s'intéresse au visuel de cette histoire, nul doute que son scénario simpliste et déjà vu une bonne quarantaine de fois ailleurs (en certes mieux) gâche une bonne partie du visionnage.
Banale histoire de princesse et de dragons aux personnages ultra-caricaturaux, cet énième animé de Bakshi mélange un peu tout ce qui a du succès dans l'Héroïc-Fantasy : une sorte de grosse brute épaisse campant le rôle du guerrier légendaire (Conan quand tu nous tiens), une femme en détresse particulièrement dévêtue, et le héros blondinet intrépide et valeureux ne représentant rien d'autre qu'un plagiat de Rahan (c'est exactement le même).
Suffisamment caractérisés pour qu'on puisse déterminer les gentils des méchants, ces personnages brillent pas par leur manque de développement total, l'écriture ne se contentant que de poser les bases de son univers et de son intrigue, ne s'handicapant jamais de parlotte et de surexposition de ses personnages. Et c'est là l'une de ses plus grandes qualités : s'il est très certainement primaire, Tygra, la glace et le feu s'assume de A à Z et, plutôt que de chercher à révolutionner le genre, se contente d'être honnête avec le spectateur en lui fournissant ce qu'il était venu chercher : un divertissement sans prétention avec action et love story, une belle histoire d'amour aux saveurs de contes oniriques.
Comment se plaindre alors de son côté simpliste, pas assez recherché quand son but premier était d'être bon enfant? Alors on regarde en s'amusant pendant la petite heure et demie que dure le film, remerciant les années 80 de nous avoir fournit autant de petites séries b savoureuses et décomplexées, propices à la rigolade et faîtes des idées les plus folles. A voir, un petit plaisir coupable qu'on ne sait plus faire.