Considine qui ne s'endort pas
Ce serait comme si Ken Loach avait croisé la route de Jean Teulé (Darling), et qu'en plus de dépeindre la misère sociale au fin fond de l'Angleterre post-industrielle, il y ajoutait la noirceur de l'âme humaine et les travers auxquels la détresse et le désespoir poussent certains d'entre nous.
Les destins croisés de Joseph (Peter Mullan, gigantesque) et Hannah (Olivia Colman) prennent immédiatement aux tripes, et les personnages sont d'autant plus attachants qu'ils sont ambigus, donc profondément humains.
C'est dur, violent, confinant régulièrement à l'immoralité, franchissant occasionnellement cette barrière intangible. Et pourtant on a tellement de mal à ne pas se montrer compatissants envers les choix effectués par ces êtres malmenés par la vie, à s'interroger sur ce qu'on ferait à leur place.
Je ne pense pas que Tyrannosaur puisse particulièrement revendiquer l'originalité, mais l'ensemble est empreint d'une telle fraîcheur (à ne pas confondre avec la légèreté) et d'une frappante authenticité, qui en font une œuvre bouleversante, d'autant que, qualité supplémentaire, à aucun moment il n'est question de juger qui que ce soit.
C'est une "simple" chronique, un film témoignage, car derrière la fiction il y a bien évidemment la réalité vécue par beaucoup de femmes, la violence ordinaire, le chômage et la pauvreté, ses conséquences sur les tensions, le voisinage.
C'est aussi comment la fatalité peut s'acharner sur un homme, même quand il a décidé de faire les bons choix.
Tyrannosaur ne laisse pas intact, et malgré quelques longueurs et facilités c'est indéniablement une excellente surprise, pour un film dont je n'avais pas entendu parler avant de mettre les pieds dans la salle.
De ceux que je préfère.