Tyrannosaur par pierreAfeu
Il faudra un jour en finir avec ce préjugé débile selon lequel les Britanniques ne sauraient pas faire de cinéma. Il est en tout cas un domaine dans lequel ils surpassent tout le monde, celui qui explore la misère du monde, la gratte jusqu'à l'os, et met à jour les maux de nos sociétés en roue libre.
Joseph est antipathique, grossier, violent, peut-être raciste. Il est tout ça mais il souffre. Il rencontre Hanna qui est bonté, sourires et prières. Du moins le croit-on. Construit millimètre par millimètre, d'une rigueur et d'une intelligence impressionnantes, Tyrannosaur est de ces films qui vous vrillent l'estomac, vous essorent et vous laissent sur le carreau. Pas de sensiblerie, de l'émotion brute, brutale et sans fard. Et c'est lorsqu'on ne s'y attend pas que le film nous en recolle une.
Et pourtant la méthode n'est pas sadique, pas plus que le spectateur n'est masochiste. On s'aventure ici au plus profond de la rancœur, du mal être, du désœuvrement. Âpre et difficile, Tyrannosaur doit être regardé droit dans les yeux. Parce qu'il parle aussi de nous.
Très habilement mené, filmé avec élégance, préférant les plans moyens aux gros plans racoleurs, le premier film de Paddy Considine ne cesse de nous surprendre, et nous conduit là où on ne pensait pas aller. Perforé de scènes époustouflantes, coups de couteau dans la toile, il sait aussi nous apaiser et nous faire espérer, à l'image d'Hanna et Joseph qui cherchent en l'autre une béquille, branlante certes, mais salvatrice peut-être...
Peter Mullan est impressionnant, détestable, touchant, à fleur de peau. Face à lui, bouleversante, Olivia Colman nous cueille à chaque scène, par son sourire, ses silences, ses cris, sa fureur. Elle est exceptionnelle. Tyrannosaur ne faiblit presque jamais. Il nous emporte.
La scène finale est juste magnifique.