L'ombre chinoise du T. Rex
Une claque sur la gueule...
...Une caresse au coeur.
Paddy Considine signe son premier long-métrage avec Tyrannosaur, et il n'a rien d'un débutant. Un film sans concession et d’une beauté troublante, d'une noirceur à en faire pâlir Darth Vader.
Du drame social à l’anglaise qui repose sur un récit abrupt porté par la performance hallucinée de Peter Mullan dans la peau de Joseph, toujours plus impressionnant au fil de sa carrière.
Le jeune et très talentueux cinéaste dresse le portrait de la misère humaine ─ le miroir des tréfonds inavouables de l’âme, quelle qu'elle soit, charitable ou diabolique.
Le combat de cet homme tourmenté qui passe de l'ombre à la lumière mélange l'amour à la souffrance, la culpabilité à la rédemption. Dès l'introduction, l'écho d'une histoire choc et brutale résonne jusqu'à nos oreilles qui croulent sous le bruit des coups portés. Annonçant déjà un certain pessimisme fou.
Joseph est monsieur tout le monde. Il vit dans une banlieue sale, morne et pauvre de Glasgow. Il ne cesse de se morfondre des douleurs du passé. Mais au moins, il vit. Il peut souffler autant qu'il veut, il est là. Certes, il nage dans un néant de désespoir, et les troubles qui l'assiègent le rendent plus violent qu'un rottweiler. Il se permet tous les excès de rage et s'effraie lui-même, mais à quel prix ? Et pourquoi ?
Sa rencontre avec Hannah, une fervente croyante, va le bousculer plus qu'il ne l'aurait cru. Cette bonne dame va tenter de dompter l'animal. Elle va lui mettre une cage-bouche, mais la femme, très en retrait en apparence, a aussi une lourde amertume qu'elle essaye de dissimuler tant bien que mal. Les confidences lors de ses échanges avec Joseph sont un appui confortable pour se dégager de ce qui les affecte.
Considine ne dénonce rien en particulier. Il ne démontre pas, il montre. Il réussit à rendre délicat tout jugement moral face à la tension et la confusion qui habitent chacun des protagonistes, leur attitude presque bipolaire... tout est filmé avec adresse, il n'y a jamais de superflu, juste de l'honnêteté à montrer ce qu'il faut au bon moment ou à faire entendre ce qui doit l'être, ou pas.
Le passage à l'acte auquel peuvent recourir les personnages s'apparente à la partie flottante d'un icerberg qui peut être éviter, alors que leur lutte n'est qu'un cheminement inéluctable qu'il leur faut combattre. Et quand ils perdent le contrôle ou ne parviennent pas à retrousser les manches, c'est le rapport à une divinité qui s'émancipe et qui apparaît à eux comme une vertu salvatrice, telle une épaule sur laquelle ils peuvent poser la tête.
Par le biais d'une auto-destruction, il est possible de s'approcher d'un peu plus près de l'amour résolutoire et... de l'apaisement du corps et de l'âme.
Un grand moment de cinéma britannique à la croisée des genres.
Et cette référence à Jurassic Park, on ne pouvait pas rêver d'une plus belle représentation.