Le cinéma indien ne se résume pas seulement aux productions Bollywoodiennes, comme le prouve à nouveau Umrika, un film tendre et drôle. Pour son second film, le réalisateur et scénariste Prashant Nair aborde le thème de l'immigration, avec cette Amérique faisant rêver les personnes vivants dans la pauvreté en Inde.


Nous sommes au début des années 80, Udai (Prateik Babbar) le fils aîné d'une famille vivant dans le village de Jivatpur, part faire fortune en Umrika. Son départ laisse sa mère (Smita Tambe) inconsolable, surtout qu'il ne donne pas de nouvelles. Son petit frère Ramakant (Suraj Sharman) observe les conséquences de cette absence, à travers les rapports devenus froids et distants entre sa mère et son père (Pramod Pathak). Il en souffre aussi en vivant dans l'ombre de son grand frère adulé par sa mère.


La présence de cette Amérique se fait ressentir à travers le monde, grâce (ou à cause) des médias. On retrouve sa trace dans ce village reculé d'Inde, où des enfants portent des t-shirts arborant les numéros 33 de joueurs NBA : Kareem Abdul-Jabbar des Lakers et Larry Bird des Celtics. Pourtant la technologie est absente en ce lieu, ils vivent en travaillant la terre, tout en s'en nourrissant. Le passage du facteur est toujours un événement, chaque lettre est lue en présence de chacun dès son arrivée ou le soir autour d'un feu. Ils rêvent à travers les mots et photos accompagnant celles-ci, envoyés par leurs proches partis à la conquête de ce pays mettant des étoiles dans leurs yeux. Les habitants du village se rendent parfois dans la grande ville pour assister à une séance de cinéma et s'enthousiasment devant le King Kong de 1933, en prenant parti pour celui-ci.
Mais le plaisir éphémère procurait par ses lettres ne peuvent combler l'absence de l’aîné. Le cadet va partir à sa recherche pour redonner le sourire à sa mère. Il entame un parcours initiatique à la découverte de la grande ville, de l'amour et de la vérité.


Prashant Nair nous fait découvrir la beauté des paysages entourant le village, durant les conversations entre le père et le cadet face à la vallée et les montagnes, avant de nous enfermer dans les rues étroites et froides de la ville. En tournant son histoire en super 16, il donne encore plus l'impression de se retrouver aux débuts des années 80, avec ce grain si particulier rendant l'image moins lisse. C'est aussi à travers divers événements tragiques se déroulant aux états-unis (Explosion de la navette spatiale Challenger), mais aussi en Inde (décès d'Indira Ghandi), qu'il ancre définitivement le film dans son époque.
Le rapport avec cette Umrika est paradoxal, tout le monde loue sa grandeur, ses richesses, tout en conspuant Indiana Jones lorsqu'ils affrontent des fanatiques indiens sur un pont suspendu. Ce pays a tellement su se vendre en exportant ses productions, qu'il est devenu un fantasme : en Amérique, tout est possible. La vérité est tout autre et chacun va l'apprendre à ses dépends.


L'histoire se déroule dans les années 80 et pourtant, elle reste d'actualité. Pas un jour ne se passe, sans que les chaines d'infos montrent des migrants fuyant leurs pays où leurs conditions de vie sont devenues difficiles pour des raisons politiques ou humaines. Ils viennent en Europe pour améliorer leurs vies, persuadés qu'elles seront meilleures ici. Ils risquent leurs vies, quittent leurs familles et amis, le cœur plein d'espoir, avant de découvrir une réalité bien loin des clichés véhiculés par les médias et ceux qui vivent déjà ici, en faisant l'éloge lors de leurs courts séjours au "bled". Le film se déroule en Inde, mais il pourrait aussi bien se passer au Sénégal, Ukraine, Turquie ou Vietnam, tant le thème est universel.
Prashant Nair raconte ce qu'il a vu autour de lui, il le fait avec tendresse pour cette mère; une femme forte; mais aussi avec humour. Il démystifie le mythe américain et démontre que la terre n'est pas plus riche là-bas. La vie n'est pas meilleure ailleurs, parfois on a tout à porter de main, mais la tentation est parfois plus forte que la raison. La famille passe avant tout, c'est une question d'honneur et le bonheur d'une mère passe avant tout.


Ce voyage dans l'Inde des années 80 est un beau moment, malgré un sujet est difficile. Cela ne tombe jamais dans le mélodramatique, même si parfois on a la gorge nouée devant les événements. C'est une belle surprise, Prashant Nair sait raconter une histoire, mais il est moins à l'aise derrière la caméra. Suraj Sharma est la révélation du film, on s'attache rapidement à son personnage, comme on est en admiration devant Smita Tambe, tout en appréciant la présence de Tony Revolori dans un second rôle, comme dans The Grand Budapest Hotel et plus récemment Dope.


Parfois, le cinéma nous permet de voyager, de découvrir de nouveaux paysages, cultures et de belles histoires. Umrika fait parti de ce genre de film, ce qui lui confère une affection particulière malgré ces nombreuses maladresses.

easy2fly
7
Écrit par

Créée

le 17 août 2015

Critique lue 812 fois

Laurent Doe

Écrit par

Critique lue 812 fois

D'autres avis sur Umrika

Umrika
Fritz_Langueur
8

Si c'est un rêve, je rêverai...

« Umrika » est reparti de Sundance avec un prix du public amplement mérité, tant il est généreux. L’Inde, début des années 80, c’est toute la communauté de Jivatpur qui est rassemblée pour fêter le...

le 31 juil. 2015

2 j'aime

Umrika
MassilNanouche
5

Rêve américain - UMRIKA

Le film charme par sa description d'une Inde profonde loin des paysages prisés par les touristes. Ses acteurs arrivent également par leur sincérité à susciter l'empathie notamment Smita Tambe...

le 7 août 2015

1 j'aime

Umrika
Aude_L
8

Mon frère d'Amérique...

Un jeune indien voit son grand frère partir pour les États-Unis d'Amérique ("Umrika") et n'a plus jamais de nouvelles... Commençant comme un drame familial touchant, où le mensonge pour la bonne...

le 5 juil. 2022

Du même critique

It Follows
easy2fly
4

Dans l'ombre de John

Ce film me laissait de marbre, puis les récompenses se sont mises à lui tomber dessus, les critiques étaient élogieuses et le genre épouvante, a fini par me convaincre de le placer au sommet des...

le 4 févr. 2015

64 j'aime

7

Baby Driver
easy2fly
5

La playlist estivale d'Edgar Wright à consommer avec modération

Depuis la décevante conclusion de la trilogie Cornetto avec Dernier Pub avant la fin du monde, le réalisateur Edgar Wright a fait connaissance avec la machine à broyer hollywoodienne, en quittant...

le 20 juil. 2017

56 j'aime

10

Babysitting
easy2fly
8

Triple F : Fun, Frais & Fou.

Enfin! Oui, enfin une comédie française drôle et mieux, il n'y a ni Kev Adams, ni Franck Dubosc, ni Max Boublil, ni Dany Boon et autres pseudos comiques qui tuent le cinéma français, car oui il y a...

le 16 avr. 2014

52 j'aime

8