Cet "autre monde" c'est celui des multinationales obsédées par la recherche de la rentabilité au détriment des vies de leurs salariés.
Le début pose le cadre du film : une vie des plus normale, semblant idyllique d'un couple mais qui est pourtant sur le point d'éclater. Ce couple est formé par un homme plus préoccupé par sa réussite professionnelle que par l'épanouissement de sa vie familiale.
Les plans sociaux rythment sa vie mais sa vie personnelle, elle, est complètement désorientée, ne respecte aucun plan clair et défini.
Prêt à tout pour gravir les échelons, il en vient à feindre d'ignorer les répercussions des décisions prises au plus haut niveau sur ses collègues. La détresse psychique ressentie par les salariés passe complètement au-dessus de lui.
Vincent Lindon prouve, s'il y avait encore besoin, qu'il est un acteur protéiforme, pouvant incarner aussi bien un vigile de supermarché exploité qu'un cadre supérieur partagé entre les intérêts financiers de son entreprise et les vies humaines à préserver.
"L'entreprise c'est pas que des chiffres. C'est aussi des vies humaines. Vous attendez qu'il y en ait un qui crève" lance une déléguée syndicale parlant au nom des plus faibles
Le cynisme sidérant des DRH cherchant à savoir quel ouvrier est le plus utile à la société et à faire le tri entre ceux qui sont performants et ceux qui ne le sont pas assez à leurs yeux fait froid dans le dos mais est bien symptomatique du monde du travail actuel.
Bonus, stock-options, primes sont le lot quotidien de Philippe Lemesle. Comment un vainqueur du système capitaliste pourrait vouloir renoncer aux avantages découlant de ses fonctions ?
Chacun pour sa gueule et tous pour les profits et ce à n'importe quel prix. Mais justement une vie humaine quel est son prix réel, sa valeur ?
Mais cet homme est en quête de sens, ne peut plus supporter d'être le simple exécutant d'une stratégie brisant des êtres humains un par un, coûte que coûte.
Toutefois l'histoire du fils atteint de maux psychiques tombe un peu comme un cheveu sur la soupe. Elle n'apporte rien de plus à l'histoire voire sans doute la dessert. Brizé veut probablement nous rendre son héros plus attachant, plus humain mais cette inttention (louable) est trop visible pour produire son effet.
De plus, la mise en scène est somme toute classique, convenue, sans doute trop, reposant sur des champs/contre-champs.
Je déplore un manque d'audace visuelle mais le sujet ne s'y prête sans doute pas.
Le propos n'est pas anecdotique, ne tombe pas à plat mais il suffit d'écouter des témoignages de proches pour bien se rendre compte que le monde de l'entreprise traverse une crise sans précédent.
Philippe Lemesle refuse d'être un pantin dont les fils sont tirés par une direction désincarnée et sans scrupules.
Sa part d'humanité refait finalement surface dans les eaux mouvementées de cette grande firme.
Par contre je doute que ce film éveille les consciences et fasse réfléchir les principaux intéressés aux conséquences néfastes de leurs actes.
Mais l'espoir fait vivre ...