Ken Russell pour moi, c'est avant tout "The Devils", "Whore", et tous les délires musicaux dans la lignée de "Music Lovers", donc autant dire que l'idée de le voir aux manettes du troisième volet des aventures de Michael Caine aka Harry Palmer a suscité une curiosité considérable. Mais c'est en réalité le Ken Russell des tout débuts, et on peut imaginer qu'il n'avait pas encore la place ou l'opportunité de laisser libre cours à sa sensibilité si singulière — même si Caine dira de lui "we never quite realised we had a lunatic genius on our hands, he was the least ideal man to do a thriller. What he has is this passion to make thundering great messes."
La série de films continue donc sur sa décroissance qualitative, tout ce qui faisait le sel de "The Ipcress File" est ici réduit à néant : fini le ton décalé, fini l'insubordination de Palmer, place à un thriller d'espionnage on ne peut plus conventionnel et paresseux, en plus d'être un peu grotesque et totalement invraisemblable. Une petite touche de "a mal vieilli" en outre. La seule consolation en un sens, c'est de voir Françoise Dorléac dans son dernier film avant son accident de voiture, avant même la sortie du film.
L'intrigue bateau reprend des stéréotypes des services secrets britanniques, on se balade sans conviction en Finlande, et sans surprise il y aura des retournements de vestes et des menaces de destruction planétaire. Ici c'est l'option complot mondial qui prédomine, avec à sa tête un milliardaire texan furieusement anti-communiste interprété par Ed Begley, très à l'aise dans ce rôle qui lui va quand même très bien, tout en excès. Mais Michael Caine traîne péniblement de la patte, Karl Malden joue un double-jeu terriblement poussif, et la thématique du super-ordinateur transmettant des ordres à travers la planète a incroyablement mal vieilli. Tout ça pour alimenter une peur inexistante vis-à-vis d'une Troisième Guerre mondiale en lien avec la destruction de l'Union Soviétique, sur fond de comédie burlesque pas tout à fait volontaire dans la dernière partie, une fois les projets abrutis du texan fou dévoilés.
Autant dire que je préfère largement Ken Russell dans des productions ratées mais agréablement excentriques et originales que dans ce boulot très impersonnel.