Un coup fumant ou Toto à Madrid, c’est d’abord un film qui a été pendant longtemps invisible pour le public français. Coproduction franco-hispano-italienne, il met en vedette le célèbre comique italien Toto. En 1968, un distributeur veut le proposer dans les salles françaises, mais en mettant en tête d’affiche Louis de Funès, qui a un rôle certes important mais secondaire. De Funès refuse, lance un procès qui aboutit à la disparition du film sur le marché français. Est-ce par respect pour l’acteur Toto, ou pour empêcher la distribution d’un long-métrage déjà vieux en 1968 ? Le film ne sera distribué qu’en 2005, par un éditeur DVD qui reprendra le titre prévu et mettra évidemment de Funès en évidence sur la jaquette. 20 minutes furent coupées, des scènes de Toto.
Dans sa tombe, l’acteur dut faire un de ses inimitables rictus.
Raoul La Spada est un escroc de la plus belle des espèces, un esprit malin et mondain, dont le dernier séjour en prison lui a permis de concocter un nouveau plan. Tout le monde connaît La Maja vêtue et La Maja nue de Goya. Mais s’il y en avait une troisième ? La Spada a un plan. Convaincre le plus doué des copistes, le grand Scorletti, persuadé qu’il est plus respectable de copier que de créer, un personnage farfelu que l’escroc va avoir du mal à convaincre. Heureusement, il peut compter sur sa partenaire, la vénéneuse et fatale Eva, qui va mener Scorletti et l’expert en Goya en bateau.
Comédie menée tambour battant, l’ingéniosité du plan du faussaire n’a d’égal que les complications décousues qui vont en suivre. L’énergie qui y est déployée est usante, dans les conversations cela piaille plus que ça n’échange, malgré quelques bons mots de temps en temps déployés. C’est un film très visuel, notamment dans son humour. Le meilleur exemple en étant la démultiplication des Majas vers la fin, le pire étant la scène dans le restaurant/bar privé avec la cloison amovible. Et bien sûr une histoire de mari adultère qui vient s’y greffer, pour le plus grand plaisir des amateurs de vaudevilles et des pires clichés possibles.
Cet humour visuel est avant tout incarné par les pitreries de Toto, qui joue le grand copiste à l’égo surdimensionné. Malgré ses 60 ans, l’acteur gesticule, et danse même. Quelle santé. Louis de Funès semblerait même bien sage à ses côtés, mais il use malgré tout des mimiques qui ont fait son succès. Ils ne partagent l’affiche qu’à la fin, d’abord dans un puits, l’un ayant voulu en finir, l’autre y étant lancé, où leur rencontre fonctionne tellement bien qu’on ne peut que regretter qu’elle n’ait pas eu lieu avant. Cette alchimie n’a pas du échapper au réalisateur, Steno, qui les réunira l’année suivante dans Fripouillard et compagnie.
N’oublions pas les autres acteurs, avec l’imposant Mario Caruteno en escroc haut en couleurs. Et surtout la belle et ravissante Abbe Lane, aux yeux malicieux mais venimeux, d’un érotisme froid qui a dû faire suer quelques jeunes gens à cette époque. Et peut-être encore maintenant.
C’est une comédie à l’italienne, et à l’énergie un peu trop débridée. Les fantaisies de Toto amusent ou lassent selon la lourdeur des scènes ou des gags. Mais il a son petit charme désuet. Une légèreté qui appartient à cette époque. Et si les amateurs de Louis de Funès ne seront pas surpris par son jeu, c’est un plaisir de le revoir, même pour un film dispensable.