Jean Becker aime les histoires de la campagne. Mais la campagne le lui rend bien mal. Adaptant (et la transposant en 1980) la mordante et fameuse comédie de Sacha Guitry, "La Poison", non dépourvue de cynisme parce que fondée sur la misogynie et le ressentiment de l'auteur à l'endroit de l'institution judiciaire, Becker se détourne de la noirceur de l'original et réalise une comédie aseptisée, sans caractère, un insignifiant fait divers de village. Et c'est à peine si l'on devine encore l'esprit corrosif et le sens de la formule de Guitry.

Jacques Villeret et Josiane Balasko,

avant qu'elle ne disparaisse à mi-film,

composent un couple de paysans frustes, entre figures "à la Deschiens" et "gros dégueulasses" (quand Villeret n'apparait pas tout simplement comme l'idiot du village). Leur existence conjugale est un enfer, rythmée par les insultes et les coups bas, et chacun des deux envisage d'éliminer l'autre.

Jojo, entre candeur et stupidité, et Lulu, méchante et ivrogne, sont deux personnages mal dégrossis et par conséquent parfois manifestement faux. La peinture rustique qui constitue un des arguments comiques -pseudo comiques- du film est à leur image, se nourrissant des clichés de la ruralité.

Le principal problème est que Becker n'a aucun point de vue. Sa mise en scène, sa direction d'acteurs sont d'une grande pauvreté. On ne s'étonnera donc pas que l'humour soit si pesant. Becker rate même la scène éminente du film, la plus incongrue, celle où Jojo rencontre un avocat,

avant même d'avoir éliminer sa moitié, "pour se renseigner".

Dans cette scène, Villeret fait le benêt comme on l'a trop vu faire et en face de lui, Dussolier surjoue. Leur dialogue, caustique chez Guitry, est vulgaire ici. Les scènes de procès constituant le troisième acte sont du même niveau et ne forment qu'un vain rappel des faits dans la mesure où les débats n'ont aucune portée satirique. D'autant que la décision judiciaire concernant Jojo, qu'on sait devoir être clémente, n'est pas un enjeu et importe peu. La scène censément cocasse où l'accusé et le président du tribunal entament une digressive discussion sur la philatélie est tellement maladroite, tellement puérile, qu'on en est gêné...Becker réussit aussi l'exploit de rendre Daniel Prévost, dans le rôle du procureur, totalement transparent. C'est dire.

Créée

le 21 oct. 2024

Critique lue 4 fois

Critique lue 4 fois

D'autres avis sur Un crime au Paradis

Un crime au Paradis
VincentBruneau
9

Critique de Un crime au Paradis par Vincent Bruneau

Lorsque l’on parle de films typiquement français, on pense souvent à Jean Becker, le réalisateur de « la Tête en Friche », de « Dialogue avec Mon Jardinier », de « Effroyable jardin » ou encore des «...

le 5 sept. 2012

12 j'aime

Un crime au Paradis
Hypérion
7

Un très bon Jacques Villeret

Le regretté Jacques Villeret nous offrait dans cette opposition avec Josiane Balasko une très bonne prestation d'acteur. Tantôt pitoyable, naïf, manipulateur, attachant, repoussoir, Jacques Villeret...

le 18 nov. 2010

10 j'aime

Un crime au Paradis
JeanG55
7

Un crime au paradis

Ne connaissant pas le film de Sacha Guitry sorti en 1951 dont Jean Becker a fait un remake en 2001, je n'en parlerai pas et me contenterai de commenter le film "Un crime au paradis".Comme je l'avais...

le 29 juin 2024

4 j'aime

3

Du même critique

Calmos
inspecteurmorvandieu
2

Critique de Calmos par inspecteurmorvandieu

Le film de Blier résonne comme une réaction au féminisme des années 70. Excessif et provocant, Blier renverse les rôles et ce sont les hommes qui réclament leurs droits, qui se refusent d'être la...

le 21 oct. 2024

2 j'aime

Marie-Chantal contre le docteur Kha
inspecteurmorvandieu
3

Critique de Marie-Chantal contre le docteur Kha par inspecteurmorvandieu

Claude Chabrol tourne une parodie d'espionnage avec la désinvolture qu'il met habituellement à la réalisation de ses films de commande. De fait, les aventures de Marie-Chantal, quoiqu'on y trouve...

le 20 oct. 2024

2 j'aime

Nana
inspecteurmorvandieu
3

Critique de Nana par inspecteurmorvandieu

Nana se confond avec Martine Carol dans ce film bien éloigné des préoccupations historico-sociales, "naturalistes", de Zola. On ne trouvera dans le film de Christian-Jaque aucun réalisme, social ou...

le 20 oct. 2024

2 j'aime

1