Ne connaissant pas le film de Sacha Guitry sorti en 1951 dont Jean Becker a fait un remake en 2001, je n'en parlerai pas et me contenterai de commenter le film "Un crime au paradis".
Comme je l'avais déjà écrit à l'occasion des "enfants du marais", Jean Becker s'est un peu "spécialisé" dans des films où il met en scène des gens simples, souvent ruraux, souvent marqués par la vie et qui finissent par retrouver leurs marques, soit dans la nature, soit dans l'amitié.
Là, il s'agit d'un couple qui se déchire, dont le mariage, disons de circonstance, fut une erreur dès le départ. Leur vie est devenue intenable au point que cela ne pouvait que mal finir. Deux parties de tonalité très différentes dans ce film. Dans la première partie, on voit la haine et le mépris croître dans le couple jusqu'à la mort de l'un d'eux, sous les yeux impuissants des autres villageois, plutôt solidaires de l'homme. La deuxième partie décrit le procès aux Assises où l'homme risque sa tête (on est dans les années 70-80).
Dans cette deuxième partie, la tonalité est beaucoup plus détendue puisque le conflit au sein du couple est terminé et la justice suit désormais son cours.
Ce qui fait la force de ce film, c'est l'interprétation des différents personnages.
Josiane Balasko, méconnaissable, interprète le rôle de la femme, pleine de mépris et de haine pour son mari. Elle s'est réfugiée dans la boisson. Il faut saluer l'actrice pour ce rôle de composition où elle réussit à être très crédible en mégère perverse avec quelques fulgurances presqu'émouvantes lorsqu'elle rêve à son kiné …
C'est Jacques Villeret qui interprète très bien le rôle de l'homme. Un paysan dont je ne dirai pas qu'il est naïf mais plutôt qu'il s'est laissé embringuer dans une aventure matrimoniale qui l'a dépassé. S'il n'avait été que naïf, il aurait été laminé par sa femme qui est celle qui, au départ du couple, avait du bien (comme on dit chez nous). Là, le personnage est un peu plus subtil dans la mesure où il ne hait pas par nature et où il reste optimiste même dans la nuit la plus noire. Lui, il ne se réfugie pas dans l'alcool mais s'efforce d'exister dans un rêve, matérialisé par une collection de timbres.
Mais, j'ai aimé, dans ce film, croiser la route de Suzanne Flon dans un très beau second rôle d'ancienne maîtresse (d'école …) de Villeret. Elle reste la confidente de Villeret (on dirait aujourd'hui la "référente" de Villeret !) qui se désole de la tournure que prend la vie de son ancien élève. Comme j'ai aimé la solidarité – sincère - du village sans montrer de condescendance face à Villeret.
Sans oublier les prestations très honorables de Dussolier dans le rôle de l'avocat, de Magdane dans le rôle du cafetier, etc …
J'ai aussi apprécié certaines scènes pendant le procès comme celle où Suzanne Flon, appelée comme témoin, "mouche" l'avocat général sur une faute de français ou encore celle, que d'aucuns trouveront artificielle, où Juge et accusé se trouvent une même passion philatélique, au hasard des débats, transcendant ainsi le procès, le temps d'un bref instant.
Au final, on trouve dans ce film un bon scénario, des dialogues truculents avec une légère pointe de cynisme dans lequel on ne s'ennuie pas le moins du monde.