Légers spoilers
Le Commandant Marco est un ancien soldat de la guerre du golfe qui fait chaque nuit le même cauchemar. Et l’embuscade dans laquelle était tombée son escouade ne s’était pas du tout passée comme dans ses souvenirs ? L’ex-sergent Shaw, candidat à la vice-présidence des USA, est-il véritablement le héros de guerre que Marco a lui-même recommandé pour la Médaille du Congrès ?
Si The Manchurian Candidate (2004) est le remake du film du même nom de 1962, je trouve qu'il est également, et surtout, un remake spirituel de L'Echelle de Jacob (1990). Le fond (paranoïa et glissement de la réalité d'une escouade d'anciens soldats sur qui des expériences ont été faites pendant la guerre par leur propre camp... avec en prime l’ambivalence d’une femme proche du héros) et la forme (réalisation, lumière, montage et interprétation) se ressemblent énormément, le film de 1990 est même référencé de manière évidente lors d'un dialogue :
What if all this is your dream and you are really still back in Kuwait? — Delp (à Marco)
Après, les deux films partent dans des directions complètement différentes, et malheureusement celle empruntée par The Manchurian Candidate est nettement plus convenue. Pire, le coeur du film repose sur une ficelle grossière (presque nanardesque par moments), la manipulation mentale à coup de puces dans le cerveau, ou dans l'épaule, c'est pas clair. A minima c'est très maladroitement amené. Du coup j'ai eu bien du mal à rentrer dedans, d’autant plus que certains personnages sont mal développés (Delp, le pote électronicien de Marco), il y a quelques zones de flou dans le scénario (notamment au niveau des puces), certains dialogues sont également pas follement écrits, même si cela se justifie parfois à posteriori
Quand on découvre qu’Eugenie est un agent du FBI, cela explique la scène de rencontre franchement bizarre dans le train, par exemple.
Heureusement la réalisation de Jonathan Demme (Le Silence des Agneaux, 1991) m'a énormément plu. Il y a beaucoup de plans et de mouvements de caméras intéressants, en particulier l’utilisation de champs/contrechamps face caméra lors des dialogues, parfaite pour mettre mal à l’aise le spectateur, pris à parti par le regard des acteurs, incertain si le 4eme mur est entrain d’être brisé, renforçant le sentiment de glissement de la réalité. Les ellipses erratiques nous déboussolent d’autant plus, rendant confus l’écoulement du temps. Le film possède une patte, une ambiance angoissante, irréelle et prenante, comme L’Echelle de Jacob ou par moments Le Silence des Agneaux.
Bien sûr, cela ne serait pas possible sans de solides performances, en particulier celles de Liev Schreiber en fils esseulé, triste et perdu derrière sa façade de héros militaire et de Meryl Streep en mère étouffante, malsaine, manipulatrice et quasi-incestueuse. On pourrait presque les imaginer tenir le Bates Motel.
Bref, pour peu qu’on arrive à s’accommoder de l’écriture, parfois sacrément bancale, The Manchurian Candidate est une bonne surprise avec son ambiance particulièrement réussie. On préférera malgré tout les classiques que sont L’Echelle de Jacob et Le Silence des Agneaux, nettement supérieurs.