L'art du pilleur de troncs
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le 27 juil. 2017
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Dans le petit monde fou des films de Jean-Pierre Mocky, "Un drôle de paroissien" garde une place de choix selon moi. Aux côtés de "La cité de la peur", des "Compagnons de la marguerite" et de "La grande lessive", il m'apparaît comme un des sommets de sa filmographie. Beaucoup des meilleurs films de Mocky selon moi ont été réalisés dans ces premiers temps. Mocky y apportait un soin peut-être un peu plus important ? Le casting y était plus riche ? Je ne sais trop. C'est bien là un des mystères qui entoure l'œuvre de Jean-Pierre Mocky. Autant j'adore cette première époque, autant je souffre devant l'espèce d'abandon que m'inspire sa fin de carrière.
Dans une certaine mesure, le scénario de ce "drôle de paroissien" suit à peu près la même trame que nombre des films de Mocky, à savoir un original, habité par un projet aussi farfelu qu'inacceptable pour l'ordre établi, organise la lutte contre la police pour mener à bien son grand-oeuvre.
Et comme Claude Rich, Bourvil est un comédien assez riche et profond pour donner à ce rôle d'illuminé la densité nécessaire, pour en faire à la fois quelqu'un de tangible et d'attachant. Cet être en partie isolé, presque fou car planté tout droit dans ses convictions et sa propre logique, reste humain, avec ses faiblesses, ses doutes. Personnage difficile à incarner. Mais Bourvil y parvient avec une déconcertante facilité : il est habité, méthodique, lunaire et l'aborde avec une réelle poésie, celle que l'on retrouve bien souvent dans les films de Mocky, une poésie fantaisiste, guillerette, utopiste, légèrement provocatrice. Je mets "légèrement" à bon escient.
Ce film est décrit trop précipitamment comme anti-religieux. Il ne l'est pas vraiment, loin de là! Son personnage, s'il vit du vol des troncs d'églises, n'en est pas moins dévot et animé par une foi sincère. En aucun cas le film fustige la foi du personnage, bien au contraire! Certes, l'idée de vivre du vol n'est pas cohérente avec ce que dictent le sens moral commun et encore moins les préceptes religieux, mais au delà de cet écart, l'Eglise n'est pas fustigée. Le film évoque un homme qui accommode sa religion à sa propre situation économique, mais qui n'en demeure pas moins un ardent pratiquant.
Le comique de la situation part de cette confusion, puis se développe sur l'affrontement avec la police, évidemment plus pragmatique et par conséquent inapte à entendre de tels raisonnements anarchiques.
Le groupe policier est tout aussi farfelu pourtant. Il est composé d'acteurs pas toujours très bons mais dotés de trognes pas possibles. Mocky aime à égayer son film de gueules étranges, de physiques excentriques. Au moins est-il sûr de ne pas avoir vu cela ailleurs, du moins dans le ciné français de l'époque. En chef de cirque, il promène de film en film sa ménagerie de freaks sympathiques. Ici comme dans d'autres Mocky, les gueules parsèment la pellicule.
Pour bien les intégrer à l'ensemble, le cinéaste n'oublie pas de demander tant que faire se peut à ses comédiens principaux de se transformer, de se distinguer de la manière la plus excessive. Ainsi dans ce film Jean Poiret arbore-t-il un sourire jovial presque niais qui rend le personnage aussi étrange que fascinant.
Dans le rôle du policier, on retrouve un autre habitué des films de Mocky, Francis Blanche. Il joue le même rôle que dans "Les compagnons de la Marguerite", un flic besogneux et obsédé par sa chasse à l'homme.
En somme, cette fable gentiment anar dispense une sorte de poésie encore un peu enchantée, à la naïveté peut-être feinte. Elle coule avec douceur, agréable. Un divertissement très marqué dans le fond et la forme par l'univers de Jean-Pierre Mocky. J'aime beaucoup revoir de temps en temps ce petit jeu plein d'espièglerie encore enfantine que ce cinéaste parvenait à proposer à cette époque.
http://alligatographe.blogspot.fr/2015/08/un-drole-de-paroissien-mocky-bourvil.html
Créée
le 2 août 2015
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