La réalité déformée

On a donc Léa, 16 ans, lycéenne, qui vient chercher secours auprès du planning familial. Elle raconte à la conseillère, Mathilde, qu'elle a été violée à une fête. Qu'au début elle était d'accord, mais qu'ensuite elle ne voulait plus, et qu'il l'a forcée. Mathilde l'écoute, tente de la conseiller, de l'aider. Sauf qu'au fil de la conversation, elle apprend que le garçon dont parle Léa, c'est son fils, Florian.
Immédiatement, le côté professionnel de Mathilde est effacé. Elle doute, elle se questionne, elle tente de faire culpabiliser Léa, elle lui demande si elle est bien sûre de ce qu'il s'est passé, si ce ne serait pas elle qui aurait été trop ambigüe avec Florian... Tout cela sans lui révéler qu'elle est la mère du garçon.
Pour ce point, j'admets qu'en situation réelle... Il est probable que n'importe quelle mère devrait vouloir croire son enfant. Mais dans le téléfilm, on ne voit que ce côté-ci. Que la mère, qui remet immédiatement en question le témoignage de Léa. On n'assiste aucunement à un combat intérieur, entre la conseillère du planning familial, qui a probablement déjà entendu des dizaines de filles témoigner pour viol, et la mère qui voudrait croire son fils innocent.
Puis, Léa porte plainte contre Florian, pour viol. Immédiatement après qu'elle soit allée au commissariat, la police débarque chez Mathilde pour venir chercher son fils. J'ai trouvé cela totalement absurde, et mensonger. Dans la réalité, c'est loin d'être comme cela que ça se passe. Les femmes violées qui se présentent à la gendarmerie/au commissariat sont souvent remises en causes. On les fait douter. On ne les croit pas. On leur fait porter la faute. (Pour celleux qui ne croiraient pas ce que je dis, je vous invite à faire un tour sur le tumblr https://payetapolice.tumblr.com/ pour y lire quelques témoignages). J'ai trouvé cette scène horrible, dans le sens où on fait croire au téléspectateur que si une femme porte plainte pour viol, la justice est immédiatement de son côté. Dans la réalité, ce n'est pas comme cela que ça se passe.
Mais ensuite, comme Mathilde, le téléspectateur commence à douter. Léa ment-elle ? Tout le monde est contre elle. Au lycée, elle se fait insulter dans les couloirs, elle n'a plus d'amis, elle se fait harceler sur internet... On l'insulte de pute, de salope. On voit des vidéos de la fête, où Léa soulève son T-shirt, où c'est elle qui va vers Florian et l'emmène dans une chambre. Le père de Florian insiste en voyant cette vidéo : "Tu vois, elle est pas farouche !". Tout le monde pense qu'elle ment. Elle se retrouve seule.
Cette situation est celle dans laquelle beaucoup de femmes violées se retrouvent. Le monde tourné contre elles.
"Florian est un gentil garçon. Il est aimable avec tout le monde, il a des amis, il n'a jamais été violent avec une fille. C'est qu'il ne l'a pas fait !" Mathilde ne doute pas une seconde. Elle croit son fils. Elle cherche à comprendre pourquoi Léa irait raconter de telles histoires. Ce qui est plutôt paradoxal pour une conseillère du planning familial.
Mais le déroulement de l'histoire se concentre principalement sur l'évolution de Florian. On voit son frère dire que la nuit, il l'entend pleurer dans son lit. Il est déprimé. Il ne veut plus venir manger à table. Il inspire de la pitié et de la peine au téléspectateur. "Bouhouhou, pauvre petit Florian".
Puis, Léa fait une tentative de suicide (T.S.). On fait passer ça pour un moyen d'attirer l'attention vers elle. Elle ment, c'est sûr.
Finalement, par hasard, Mathilde trouve dans la chambre de son fils un téléphone, soigneusement caché jusque là. Un téléphone sur lequel elle trouve une vidéo de Florian, en train de forcer Léa pour coucher avec elle. On entend les supplications de Léa, mais il continue. Une vidéo où on voit très clairement que Léa ne ment pas, et que Florian l'a bel et bien violé.
Déjà, j'ai trouvé cela complètement absurde. À quel moment le garçon aurait filmé la scène sans qu'elle ne s'en aperçoive ? Pourquoi aurait-il gardé cette vidéo compromettante ? J'ai trouvé que c'était du grand n'importe quoi. Dans la réalité, il n'y a pas de preuve. C'est triste, mais c'est comme ça. C'est parole contre parole. Et malheureusement (comme on le constate dans le film), c'est la parole du garçon qui est privilégiée, et celle de la fille qui est remise en doute. Cette histoire de vidéo, c'est absurde. De plus, cela sous-entend que s'il n'y a pas de preuve dans la réalité, c'est que la fille ment peut-être. Après tout, il n'y a pas de preuves.
Mathilde est alors partagée entre protéger son fils et le dénoncer pour qu'il assume ses actes. Quand elle montre la vidéo à son mari, celui-ci devient furieux. Mais encore une fois, la réflexion se concentre sur ce qu'il va advenir de Florian. "Je ne veux pas qu'il aille en prison, il ne tiendra pas", nous dit Mathilde. Mais son mari la rappelle à l'ordre pendant un instant "Et Léa?". Mais Léa semble n'être devenu qu'un personnage secondaire de l'histoire. C'est Florian qui importe ici. Il ne supportera pas la prison. Et puis ce n'est pas son genre de faire de telles actes.
"Comment pourra-t-il se construire s'il n'assume pas ça aujourd'hui ? Et s'il recommence ?" demande le père, à Mathilde. "Il ne recommencera pas" lui répond-elle.
Ben voyons.

Au final, Florian finit par se dénoncer. Il envoie une lettre d'excuses à Léa. J'ai trouvé que cela faisait un peu le pauvre petit garçon qui cherche à se repentir de ses actes. "En fait il est gentil hein Florian, il a juste fait une erreur, pardonnez-le". Pendant touuuut le film, la culpabilité pèse sur Léa, et au final, il s'excuse avec une pauvre lettre ? Non mais on croit rêver.
J'ai été énervée de cette fin. Cela laisse le suspens sur ce qu'il advient de Florian. On devine qu'il va être condamné, mais à combien ? Quelle sera sa peine ? Léa arrive-t-elle à se reconstruire ? Parce que oui, je rappelle que c'est quand même elle la victime de l'histoire hein, même si le film en a fait un personnage presque secondaire.
Comme c'est dit dans une autre critique : "À la fin du film, Florian avance. Léa non".

Ces policiers qui débarquent immédiatement pour coffrer Florian : c'est non. Ce doute malsain sur la parole de Léa, au final prouvée par une vidéo totalement irréaliste : c'est non. Ce final sur le gentil garçon qui cherche à se faire pardonner : c'est non.