Un Fils est un drame qui a un grand atout, et le sait : son scénario dur, sans concession, qui regarde en face une réalité taboue. Nous suivons le combat d'un homme qui découvre que son enfant mortellement blessé lors d'une attaque terroriste en Tunisie, ne peut pas recevoir une greffe de son foie, pour cause : ce n'est pas son fils. Passé le choc de la révélation, ce brave homme décide de tout tenter pour que le jeune garçon survive, quitte à passer du côté obscur de la loi, résigné à participer au trafic d'organes par dépit, face à des soins trop lents, à des hôpitaux mal gérés et des chances de survie qui s'amoindrissent d'heures en heures... Heureusement pour les âmes sensibles, Un Fils a l'intelligence de rester décent avec les images qu'il nous donne à voir, il préfère suggérer son discours plutôt que de nous l'envoyer au visage, ce qui est très appréciable lorsque l'on aborde les scènes à l'intérieur des "fermes à organes", des endroits lugubres où l'on entasse des enfants achetés au marché noir en attendant de prélever leurs organes... On est vraiment bien contents du ménagement visuel auquel on a droit (on ne voit que l'échographie de l'enfant, ou ses cicatrices témoignant d'anciens prélèvements...), car le seul sous-entendu nous fait déjà frémir, à l'idée que cela se passe ainsi dans la vie réelle. Le happy-end, assez improbable (
retrouver le père biologique, que celui-ci accepte de donner son foie, que l'enfant ne soit pas décédé depuis le temps
) permet tout de même d'éviter un acte du père que l'on aurait condamné, ou une fin trop pessimiste si ce dernier avait renoncé (
pour épargner l'enfant acheté, mais en condamnant son fils
), un juste milieu qui nous convient bien. Le seul élément qui est subjectivement déstabilisant sont les dialogues sous-titrés quand les personnages parlent majoritairement en français, juste pour un mot final en arabe. Par exemple, on lit (par réflexe) l'ensemble de la phrase qui est à l'écran pour n'avoir au final qu'un seul mot traduit (mais l'on se doute bien que l'on n'aurait pas pu faire jaillir le mot tout seul à l'écran à l'improviste, cela aurait fait bizarre au milieu de la scène), la lecture mot pour mot du dialogue que l'on comprend est un peu contre-intuitif (il faut s'y faire). Les acteurs sont convaincants, le scénario solide, le rythme peut-être un peu lent par moments, mais le final accélère subitement et va au bout de sa dénonciation sous-entendue tout en concluant justement son intrigue principale. On reste touché par l'histoire de ce père, et par les fermes à organes.