Le réalisateur Bi Gan nous invite à déambuler dans un dédale mental à l’interface des souvenirs, des rêves et de la réalité. Film exigeant, à la beauté hypnotique mais au propos hermétique, Un grand voyage vers la nuit est assurément une expérience à tenter, où l’effet sera démultiplié dans une salle de cinéma !


Tout comme pour Kaili Blue – premier long métrage de Bi Gan primé à Locarno en 2015 - il est impossible de résumer un film où les événements sont si confus et alambiqués. En gros, il est question d’un homme qui retourne dans la ville de son passé, à la quête d’une femme qui l’obsède, mais qu’il a pourtant tuée une vingtaine d’année auparavant. Souvenirs, fantasmagories et réalité se s’entremêlent dans un récit extrêmement alambiqué, qui n’a rien à envier à celui de Mulholland Drive de David Lynch. Si ce dernier maîtrise à la perfection le mystère et l’intérêt qui se dégage de ses films étranges, on ne peut pas en dire autant pour Bi Gan. Dans ce grand voyage, le réalisateur a beau faire état de toute sa virtuosité technique dans la composition de ses panoramiques, l’éclairage de ses cadres où encore des travelings composant des plans séquences ahurissants, il est difficile de ne pas rester hermétique devant la succession de ces scènes sans queue ni tête… pendant une heure.
Et soudain, le film bascule ! Alors que le personnage principal enfile des lunettes 3D dans une salle de cinéma, il est demandé au spectateur d’en faire de même. Le film, jusqu’ici projeté en deux dimensions, passe soudain à la troisième dimension pour se conclure sur un hallucinant plan-séquence en relief, d’une durée de plus d’une heure. Et là enfin, la sauce prend ! La 3D, extrêmement bien maîtrisée - tout en profondeur et en texture -, donne littéralement vie à la poésie de Bi Gan, évoquant les tableaux de Chagall et les romans de Modiano. Ce qui était pompeux, voir prétentieux dans la première partie, résonne en parfaite harmonie dans ce plan-séquence complètement dingue. La beauté transcende la maitrise technique et le spectateur se retrouve projeté dans un des plus grands moments de cinéma de ces dernières années.


La patience est donc de mise pour apprécier cette œuvre audacieuse, frisant parfois avec une certaine prétention arty auto-suffisant. Toutefois, le jeu en vaut la chandelle : passée une première heure de mise en place laborieuse, Un grand voyage vers la nuit révèle toute sa beauté poétique et plastique, magnifiée par une 3D appréciable qu’en salle de cinéma.

el_blasio
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le 4 mars 2019

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