La romance d'un tricheur

Avec ce deuxième long métrage le souffle romanesque du cinéma de Jacques Audiard semble encore en devenir, comme quelque chose de tout à fait prometteur mais formellement inabouti. Un héros très discret, sous ses allures de docu-fiction historique, séduit d'une part par son idée narrative ( le chemin triomphant d'un menteur professionnel jusqu'à son inévitable déclin ): le potentiel cinématographique du scénario est incontestable, Audiard n'ayant pas peur d'écrire des situations plausibles mais excessives, à la frontière du mélodrame ; d'autre part le film déçoit dans sa réalisation, témoignant en effet d'une certaine inventivité visuelle mais cruellement téléfilmique, dans sa photographie sans reliefs ni saveurs...

On perçoit deci delà les tics précurseurs du superbe Sur mes lèvres ou la fièvre du monument De battre mon coeur s'est arrêté mais l'ensemble reste techniquement plus proche du balbutiement que d'une réelle maîtrise formelle. Mathieu Kassovitz, plutôt crédible dans la peau d'un imposteur faussement ingénu, peine parfois à porter le film à lui seul, heureusement aidé par un casting des plus prestigieux : Albert Dupontel, Jean-Louis Trintignant, François Levantal, Sandrine Kiberlain ou encore Philippe Nahon font figure de réjouissantes apparitions, représentatives d'un certain cinéma français. L'ensemble a le mérite de proposer quelque chose d'assez libre et audacieux mais tout de même en deçà des films suivants de Jacques Audiard, cinéaste se perfectionnant d'une oeuvre à l'autre tout en développant son sens mélodramatique. Pas si mal...