Et si je disais un peu de bien de Ron Howard ?
Pas le petit puceau boutonneux tête à claques d'American Graffiti et de Happy Days, non, bien sûr, pas non plus de cette espèce de momie chauve, rouquine et albinos à casquette qu'il est devenu depuis, quoique son auto-parodie chez les Simpson puisse jouer en sa faveur... Non, non, parlons un peu de Ron cinéaste.
Déjà, avec un physique pareil, abandonner le devant de la caméra pour se cacher derrière prouve un minimum de lucidité qui attire presque la sympathie.
Ensuite, si on oublie les premiers films très 80's (Splash, Cocoon) qui lui ont valu ses premiers succès, la suite devient assez vite regardable. Willow porte plus la patte de se son mentor George Lucas que la marque de sa propre fougue créatrice, mais bon, au moins, le résultat est réjouissant et l'apprenti ne démérite pas.
Portrait craché d'une famille modèle est une comédie sympathique qui fait presque oublier la présence de Steve Martin et de Keanu le lombric, c'est aussi devenu, après son succès, un de ces films cultes typiquement américains qui en disent plus long qu'on ne veut bien l'imaginer...
Du coup, les budgets grossissent, Backdraft est lourd mais pas complètement déshonorant, sans doute grâce à Kurt, Horizons Lointains et Tom la moulasse n'auront pas cette chance...
Régulièrement, le réalisateur s'arrête pour un film moins coûteux et plus original qui semble lui tenir à coeur, ce sera par exemple le Journal, chouette réussite avec un Keaton de gala, ou plus tard Frost/Nixon, sur un sujet très peu vendeur...
Ca ne l'empêche pas de s'attaquer régulièrement à des blockbusters. Apollo 13 adapte très convenablement les règles du film catastrophe dans l'espace et montre un métier réel, même si la présence de l'acarien mal tringlé le plus célèbre du cinéma peut gêner certains...
De façon improbable, en direct sur EdTV arrivait â être regardable, sur un sujet encore bien différent, preuve que ce touche-à-tout sans génie devient tranquillement un artisan habile.
Petit à petit, il s'impose même comme un invité régulier des oscars, comme en 2001 justement, où il empoche les deux principaux avec Un homme d'exception, mélo un peu lourdingue inspiré d'une histoire vraie avec un Russell Crowe en roue libre, une Jennifer Connelly toute jolie et un Paul Bettany qui n'a l'air d'être venu que pour la lutiner tout à son aise... Plein de défauts, mais du métier qui permet de faire passer l'ensemble sans trop de mal, avec même une petite interrogation sur la pertinence des camisoles chimiques vécues aux dépends de la créativité, et sur la relativité de la norme sociale.
On reprend le même acteur quelques années après pour un chouette film de boxe pendant la grande dépression, De l'ombre à la lumière, et encore une fois, le métier parle, plutôt bien, même.
Alors, bon, je sais, depuis, il a fait les deux immondes Da Vinci Code avec la tique de tout à l'heure, mais là, même avec tout le métier du monde, tirer quelque chose des déjections de Dan Brown semble tout bonnement irréalisable, surtout quand on a l'air de s'en branler comme pas possible...
Ce qui est amusant, c'est que sans trop améliorer la qualité de ses propres films, le gentil tâcheron est tranquillement devenu un des cinéastes les plus en vue de Hollywood, position pas forcément illégitime d'ailleurs, et qui révèle beaucoup plus l'incroyable médiocrité des productions issues des grands studios depuis 15 ans que la présence d'un véritable talent.
Néanmoins, le tâcheron a toujours été la base du système des studios, et privilégier à son travail potentiellement honorable une floppée de petits merdeux vidéastes épileptiques n'est pas ce que les studios ont fait de mieux.
Je voulais donc rendre hommage à un des derniers tâcherons de Hollywood, un tâcheron à l'ancienne, le Vincent Sherman des années 2000, le George Marshall moderne, presque le Henry Hathaway d'aujourd'hui !
Sauf qu'à côté, maintenant, il n'y a plus grand chose...