Du rififi dans le maquis

Deuxième film pour le bleu-bite Costa-Gavras, et il a déjà la prétention de démolir l'image bien ancrée des maquisards unis et irréprochables. Le portrait qu'il présente est tout autre. C'est un groupe d'hommes hétéroclite qui passent leur temps à s'engueuler, sauf quand il s'agit d'aller foutre une branlée aux teutons, et encore. Ces petits désaccord sont exacerbés lorsqu'ils libèrent un homme de trop des cachots de la Kommandantur du coin. Il n'était pas prévu dans les plans, il n'est pas des leurs, et son sort divise.

C'est une constante chez Costa-Gavras, ça s'engueule beaucoup. Mis c'est toujours justifié, soit qu'il en va de la vie d'un, voir plusieurs hommes, soit que le temps presse, soit que les personnages ne savent pas débattre autrement. Ici c'est tout à la fois. Cet homme de trop pourrait bien être un traitre, au quel cas il livrerait les secrets du maquis et ne peut donc pas être laissé en vie. Il n'est peut être pas un traitre, peut être un pauvre mec oublié dans les geôles pendant une vérification d'identité qu'il faudrait renvoyer chez lui en un seul morceau. Il y'a les partisans de la première option, leurs opposants, les indécis, choisissez votre camps. Moi je ne sais pas ce que j'aurais fait.

Pendant qu'on s'étripe sur son cas et qu'une menace plane toujours au dessus de sa tête, le mec de trop flâne nonchalamment en espérant que ces délibérations ne s'éternisent pas. Celui que son propre sort semble indifférer, et bien loin des préoccupations de la guerre, est entouré d'un mystère qui ne sera pas levé de si tôt. Son attitude désinvolte peut autant renforcer les soupçons que convaincre de ses bonnes intentions. Aux antipodes d'un Peter Lorre complètement paniqué dans M le Maudit scandant son innocence, Michel Piccoli est parfait dans la peau du mec serein attendant patiemment son jugement.

C'est l'ensemble du casting qui est à la hauteur, en tête Bruno Kremer que je trouve personnellement toujours impeccable. Le reste est composé des meilleurs seconds rôles de l'époque : Charles Vanel, Claude Brasseur, Gérard Blain, et Jean-Claude Brialy, un autre acteur que j'adore. Mais Costa-Gavras ne s'en remet pas à son casting et propose une mise en scène très travaillée. Parfois digne d'une grosse production hollywoodienne de l'époque, comme ce plan vu de (très) haut qui montre l'arrivée des soldats allemands sur nos chers maquisards. Les combats eux-mêmes ne manquent pas de moyen, beaucoup de figurants et beaucoup d'explosions pour des combats intense et crédible. Ca ne vaut pas Le Jour le Plus Long mais c'est pas pour ça qu'on est venu ici.

Mis à part l'échec commercial que connu le film à sa sortie, c'est une réussite à tout les niveaux. L'univers de Costa-Gavras est déjà bien construit dans ce film qui préfigure les thrillers politiques qui feront le succès du cinéaste franco-grec.