Le maquis s'amuse
Dès son deuxième film, Costa-Gavras faisait preuve d’un féroce sens de l’image. La mise en scène d’un homme en trop est mue par une ambition farouche et un savoir-faire à sa hauteur. Qu’il s’agisse...
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le 1 juin 2017
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"Un homme de trop" dispose de plus d'arguments intéressants en tant que premier film de Costa-Gavras qu'en tant que film de guerre qui tente d'instiller une thématique originale dans un cadre très classique. Mais tout dépend de ce qu'on vient chercher dans un tel registre cinématographique, autant le dire tout de suite, car il me semble que dans son créneau, il ne s'en sort pas si mal. Dans sa captation de la fuite d'une troupe de résistants évadés, affublés d'un homme en trop éponyme dont ils ne savent pas vraiment que faire, c'est un mouvement qui me paraît même réussi. Simple, sans grande surprise, mais doté de ces petites touches singulières qui alimentent une certaine curiosité.
C'est un film de guerre un peu difficile à appréhender car des touches comiques (d'une amplitude mineure, toutefois) parcourent régulièrement les moments les plus dramatiques, à la tension palpable. C'est un procédé qui peut dérouter... comme de voir Claude Brasseur, assis au milieu d'un bus rempli de résistants déguisés, avaler une balle de fusil devant un officier allemand en déclamant "ah, j'avais perdu mon comprimé !". À ce moment précis, on ne sait pas s'il faut rire. Étrange, mais pas désagréable. Beaucoup plus agréable, en tous cas, que les très nombreuses tentatives narratives d'instiller le doute quant à la sincérité du fameux homme en trop, sous les traits de Michel Piccoli, avec un trop grand nombre de séquences à la tension artificielle. Costa-Gavras voulait "montrer que quand quelqu'un est perçu comme un traître, c'est fini pour lui : quoiqu'il fasse, même s'il est innocent, il suscitera la méfiance." L'intention est louable, le résultat n'est par contre pas tout à fait à la hauteur.
J'aurais bien aimé que le symbole quasiment allégorique contenu dans le personnage de Piccoli soit davantage approfondi. C'est la figure récurrente de celui qui semble ne pas choisir son camp, de manière passive ou à dessein, mais il me semble que la question n'est pas suffisamment bien posée dans le film. Tout simplement, est-il possible de n'appartenir à aucun camp dans ce type de guerre, impliquant directement son pays ? Et quid des guerres auxquelles on contribue de manière moins directe ? On sent bien que cette thématique est extrêmement dense, et toutes les pistes de réponse méritent d'être explorées. Mais la position de paumé de Piccoli, au bon/mauvais endroit au bon/mauvais moment, ne me paraît pas suffisamment intelligible pour nourrir une réflexion solide dans cette direction. Tout juste une illustration.
Pour le reste, les pérégrinations de cette troupe protéiforme dans les différents espaces du maquis ne sont pas pour me déplaire. Et il y a Bruno Cremer.
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Créée
le 11 avr. 2017
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