Les retrouvailles de Jason Statham et Guy Ritchie pouvaient n’avoir pas grand-chose à voir avec une bonne nouvelle sur le terrain de l’innovation filmique : un retour aux origines de la filmographie du formaliste excessif pour l’un, et une énième intrigue de vengeance à coup de plomb et de mandales pour l’autre, pour un résultat pressenti avec de fortes effluves de DTV.


Le traitement sur-vitaminé encore en vigueur dans son dernier film en date (le plutôt réussi The Gentlemen en 2019) n’est pourtant plus vraiment au programme ici : moins satirique, moins fun, plus sombre, Un homme en colère décape certains des réflexes de l’époque et de Ritchie lui-même qui jouent souvent d’une connivence avec e public par un regard à la lisière de l’auto-parodie.


Remake du Convoyeur de Nicolas Boukhrief, Un homme en colère va donc se jouer en deux temps : une première partie va multiplier les mystères en suivant l’arrivée d’une nouvelle recrue parmi des convoyeurs de fond, tandis que la deuxième combinera le récit de vengeance et le film de braquage.


Les habituelles forfanteries de Richie (cut up, ralentis ostentatoires, bande son catchy) laissent la place à une certaine austérité frontale, et réservent toutes les trouvailles à l’écriture dans le montage et la non linéarité du récit. Ainsi de l’assez prenante scène d’ouverture, où le plan quasi fixe rivé à l’intérieur du blindé empêche le spectateur de pleinement comprendre les enjeux de l’action avant qu’une histoire apparemment totalement décrochée ne commence par la suite. Les jeux sur la temporalité permettront bien entendu d’y revenir pour un effet Rashomon un brin surligné, les points de vue s’accumulant sans réelle nécessité, puisque tout a été dévoilé dès la deuxième occurrence.


Une fois les intentions révélées, le film s’essouffle un peu, et les faiblesses du récit se font plus voyantes (quelques coïncidences et coups de chance assez grossiers, notamment), l’autoroute vers le casse final n’ayant plus grand-chose à proposer en termes de détours. On retiendra néanmoins une idée sympathique dans le montage alterné entre le projet du braquage expliqué sur maquette et les séquences, dans une sorte de flashforward, qui en montrent la réalisation.


Le résultat est donc loin d’être honteux, d’autant qu’on ne pourra pas se plaindre d’une tromperie sur la marchandise : Un homme en colère fait le job avec cette efficacité qu’on prête généralement aux personnages de Jason Tatane : percutant, en ligne droite et sans surprise.

Sergent_Pepper
6
Écrit par

Créée

le 16 juin 2021

Critique lue 3.4K fois

49 j'aime

2 commentaires

Sergent_Pepper

Écrit par

Critique lue 3.4K fois

49
2

D'autres avis sur Un homme en colère

Un homme en colère
SanFelice
7

Un Convoyeur n'est pas un Transporteur

Le nouveau film de Guy Ritchie, Un Homme en colère, se présente comme un remake du Convoyeur, de Nicolas Boukhrief, avec Albert Dupontel et Jean Dujardin. De fait, il est possible d’affirmer que nous...

le 17 juin 2021

29 j'aime

Un homme en colère
limma
4

Critique de Un homme en colère par limma

Guy Ritchie dont on connaît la technique avec sa rapidité d'exécution, son rythme nerveux et soutenu par ses jeux de montages, ellipses, ralentis et autres arrêts sur image, offre ici un bien pâle...

le 30 mai 2021

26 j'aime

7

Un homme en colère
Behind_the_Mask
7

♫ ... Et tu braques braques braques, c'est ta façon d'aimer ♫

Il paraît qu' Un Homme en Colère serait le bête remake du Convoyeur. Drôle de raccourci, surtout que, pour une fois, Miramax la joue cash en disant clairement que sa dernière oeuvre en date n'est qu'...

le 22 juin 2021

22 j'aime

1

Du même critique

Lucy
Sergent_Pepper
1

Les arcanes du blockbuster, chapitre 12.

Cantine d’EuropaCorp, dans la file le long du buffet à volonté. Et donc, il prend sa bagnole, se venge et les descend tous. - D’accord, Luc. Je lance la production. On a de toute façon l’accord...

le 6 déc. 2014

774 j'aime

107

Once Upon a Time... in Hollywood
Sergent_Pepper
9

To leave and try in L.A.

Il y a là un savoureux paradoxe : le film le plus attendu de l’année, pierre angulaire de la production 2019 et climax du dernier Festival de Cannes, est un chant nostalgique d’une singulière...

le 14 août 2019

715 j'aime

55

Her
Sergent_Pepper
8

Vestiges de l’amour

La lumière qui baigne la majorité des plans de Her est rassurante. Les intérieurs sont clairs, les dégagements spacieux. Les écrans vastes et discrets, intégrés dans un mobilier pastel. Plus de...

le 30 mars 2014

617 j'aime

53