Bad Day at Black Rock

Pour une fois le titre de la VF "Un homme est passé" n'est pas trop ridicule par rapport au titre original "Bad Day at Black Rock". On se demande quand même l'utilité de changer le titre. Peut-être qu'en français, il n'a pas dû être possible de reproduire l'allitération du titre américain...
Peu importe.

"Un homme est passé" est un court bijou de John Sturges tourné en 1955 qui relate la visite d'un étranger, John Macreedy, au village de Black Rock. Sa visite dérange d'autant plus qu'elle concerne un fermier japonais qui semble avoir disparu. Macreedy va alors réveiller les vieux démons qui hantent les gens du village, coupables collectivement d'un infâme lynchage quelques années plutôt..

Le casting est de grande classe.
Le rôle principal est tenu par Spencer Tracy qui joue le personnage de Macreedy, vétéran de la 2ème guerre mondiale qui a perdu un bras en Italie, droit comme la justice, la force tranquille.
Robert Ryan joue le rôle de l'instigateur du crime perpétué peu après Pearl Harbour et pour lequel il a mouillé une partie de la population.
Lee Marvin et Ernest Borgnine sont les fiers-à-bras aux ordres du personnage de Robert Ryan.
Et il y a Walter Brennan qui joue le rôle du toubib du village dont j'aurais été très chagriné s'il avait eu un rôle de pourri. Au contraire, il est la conscience de la honte du village. L'arrivée de Macreedy va pouvoir la réveiller.

Une mise en scène impeccable.
A commencer par le générique avec la circulation et l'arrivée du superbe train de la Southern Pacific qu'on voit serpenter dans le désert sur fond des Montagnes Rocheuses et qui amène Macreedy au village de Black Rock.
De même, l'arrivée de Spencer Tracy sous le regard inquisiteur et silencieux des villageois qui ne révèle encore rien du sujet du film.

Des dialogues minimalistes qui contribuent, par leur absence, à faire monter la mayonnaise de l'angoisse du spectateur.

Des scènes inoubliables, tellement elles font du bien au spectateur, comme la correction infligée au mariolle et matamore Ernest Borgnine. On n'est pas dans la bagarre complaisante de saloon classique. Non, ici, c'est une correction (jouissive).
D'autres scènes méritent qu'on s'y attarde comme la réunion des différents protagonistes, dont ceux aux cuisses pas propres, au milieu de la voie ferrée où les gens bougent de façon très étudiée et très signifiante entre la fuite, la curiosité, l'obéissance, la servilité, ...

Film qui ne doit laisser personne indifférent et qui pose le problème de la lâcheté collective.
C'est un film que je me plais à classer à la fois dans les westerns et dans les policiers/thrillers.
Western "moderne" où les chevaux sont remplacés par des voitures et où le "bras de la justice" est le seul à porter un costume smart en dépit du soleil de plomb (le toubib aussi, me dira-t-on, mais son costume est tellement défraichi ...)
Thriller car même après je ne sais combien de visionnages (je connais ce film par cœur), je reste pris par l'action et le suspense.