Adapter Le Carré a toujours constitué un défi de taille, les sensations purement intellectuelles par lesquelles passe son lecteur étant difficilement re-créées au cinéma. "Un homme très recherché" est loin d'être un mauvais film, mais Corbijn n'est pas encore un réalisateur suffisamment chevronné pour pouvoir s'approprier l'univers complexe de Le Carré et en faire quelque chose qui dépasse la simple illustration. Du coup, malgré la redoutable intelligence de son scénario, le film n'évite pas un ou deux tunnels où la tension retombe, où le spectateur s'ennuie poliment. Pas vraiment grave, certes, tant l'interprétation du regretté Philip Seymour Hoffman est fascinante, et justifie complètement la vision du film. A condition d'accepter la pénible convention hollywoodienne qui veut que tous les soi-disant Allemands parlent anglais (avec un accent teuton !), et de savoir à l'avance qu'on ne sera jamais bouleversé comme par la lecture du bouquin (que je n'ai pas encore lu, d'ailleurs...), on savourera tranquillement les jeux de pouvoir et de manipulation auxquels se livrent espions, policiers, terroristes et pauvres humains ordinaires qui ont eu le malheur de croiser leur chemin. Si "Un homme très recherché" délivre à peu près son contrat, on notera aussi que sa belle fin, à la fois très réaliste et très noire, constitue paradoxalement pour le spectateur un anticlimax qui illustre parfaitement le déficit de profondeur caractéristique du cinéma de Corbijn. [Critique écrite en 2014]