L'homme est déjà tout trouvé
Certains personnages, s’ils sont assez captivants, peuvent éclipser les autres protagonistes et même l’histoire. Cela peut être une bonne chose pour apprécier une œuvre si l’histoire est simple, car on y trouve alors quelque chose qui porte le récit sur lequel l’on peut s’appuyer.
Pour cela, il ne suffit pas de faire allumer une cigarette à ce personnage en prenant un air désabusé. Il faut pouvoir percevoir son intelligence sans nous la montrer ouvertement, à travers ses actes, son regard, ses relations aux autres. Il doit sans le vouloir être au cœur, non pas de l’intrigue, mais de notre intérêt pour l’œuvre. Ce faisant, notre regard peut alors voir l’œuvre uniquement par rapport à ce personnage et à ce qu’il représente.
Evidemment, dans le cadre d’un film, il faut également que ce personnage soit joué par un acteur charismatique et en état de grâce.
Ici, l’histoire tourne donc autour de cet artisan de l’espionnage. Il est efficace, il est concis, peut paraître un peu extrême dans ses méthodes, dans sa vision de l’espionnage. Il est ambitieux et voit plus loin que les autres sur les véritables enjeux de son opération.
Le danger, lorsque l’on veut créer un tel personnage, c’est de faire de lui une machine d’efficacité sans peur et sans reproches comme dans de nombreuses productions. Fatalement, ce personnage se trouve alors être dénué d‘humanité. L’identification se résume alors à de l’admiration pure et non pas à une projection de notre personne.
Cette erreur est évitée de justesse ici. Il y a peu d’éléments rappelant l’humanité et les sentiments du personnage mais ceux-ci apparaissent subtilement ça et là.
L’histoire est donc prétexte à la présentation d’un système d‘espionnage qui paraît austère et sombre, mis en comparaison avec un autre système plus radical, incarné par Robin Wright. Il est présenté ici un système dans lequel la certitude n’existe pas et où les intuitions prédominent.
Inutile d’évoquer le joli minois de Rachel ou l’inoubliable, bien que peu orthodoxe, faciès de Willem. Leur implication dans l’histoire est certes louable mais ils ne font qu’actionner la machine pour arriver au dénouement.
Voir Philip dans un tel dernier rôle avait quelque chose de particulièrement fort et c’est là que réside vraiment tout l’intérêt du film : L’acteur et ce que représente le personnage. La scène de la discute dans la salle où Rachel est gardée captive impose le style du personnage, de sa vision, de sa puissance. Même sorti de la salle, on ressent encore sa présence.
Même si la réalité d’une autorité supérieure le rattrape dans une fin abrupte, cet artisan de l’espionnage aura vraiment éclairé le récit de son aura personnelle et l’on en ressort avec un ressenti très accroché à lui.