Il a une vie rangée et solitaire dans sa grande maison triste. Il a une apparence un peu flippante, une cave où il s’enferme pour se transformer en un autre… Non, ce n’est pas le terrifiant Jame Gumb, alias Bufallo Bill, c’est Sébastien Nicolas, petit vendeur immobilier sans importance qui concentre toutes les particularités du serial killer sans en être véritablement un, juste un type banal, simple, qui aime s’approprier l’apparence des autres, la vie des autres. Qui repère des hommes croisés dans le cadre de son travail, les suit, les traque, apprend tout d’eux, réalise un moulage de leur visage puis se coule dans leur existence, dans leur appartement, à leur place. C’est son trip à Sébastien, il prend son pied comme ça.
Le spectateur pas vraiment, beaucoup moins même, et à défaut de le prendre, ce pied, il ronge son frein, il peste et il s’ennuie. Et contemple, impuissant, l’immense gâchis que représente le film de Matthieu Delaporte (qu’il a co-scénarisé avec Alexandre de La Patellière) par rapport à son thème et à son sujet (le trouble de la personnalité, jusqu’à la folie), thème qui convoque pourtant fantasmes et envies (s’imaginer, se rêver un autre, s’inventer une nouvelle réalité pour pallier à la sienne, plus terne) mais se limite très vite à un drame existentiel quelconque qui oublie de proposer autre chose que du policé et de la poudre aux yeux.
Thème évidemment passionnant déjà déployé chez d’autres avec un talent de fou (d’Angel heart à Fight club en passant par Mulholland Drive, Black swan ou le récent Enemy…), mais qui, ici, ne propose absolument rien de troublant, d’inquiétant, de vertigineux, puisqu’à la quête première d’identité se substitue celle d’un père, fade et creuse, qui réduit toute l’ambiguïté et tous les possibles du film à néant. Reste une mise en scène solide, plus impersonnelle que réellement pensée, la sombre photographie de David Ungaro et Mathieu Kassovitz qui, sous différents maquillages assez impressionnants, parvient à rendre plus ou moins crédible l’histoire de cet usurpateur aux mille et un faciès.