Un jour dans la vie de Billy Lynn est le treizième long-métrage du taïwanais Ang-Lee, génie derrière Tigre et Dragon, Brokeback Mountain, L'Odyssée de Pi (bon, puis Hulk aussi, personne n'est parfait, on te pardonne, Ang). Ce petit bijou (Billy Lynn, hein, pas Hulk), narrant l'histoire d'un bataillon de soldats rapatriés d'Irak auréolés du statut de héros de guerres, et servant de pantins à la propagande de l’État, subit malheureusement une distribution en France des plus médiocres. La faute à un karma bien merdique. D'abord, le film s'est planté aux États-Unis : il faut croire que le public US est en ce moment plus désireux, à l'heure du America First à la Maison Blanche, de voir un La La Land tout en espoir et en magie hollywoodienne, qu'un pamphlet anti-militariste, rappelant les erreurs de l'Amérique en Irak. Ensuite, le film est une révolution technique, tellement en avance sur son temps que personne ne pourra le remarquer. Pour cause, le film a été tourné en 120 images par seconde (au lieu de 24), or aucun cinéma ou presque n'est équipé pour une telle rapidité et un telle précision d'image.
Dommage, car au-delà de l'aspect technique, le film est très puissant. Il montre bien comment les soldats passent du statut de pantins en Irak, de pauvres gars dépassés par les enjeux géopolitiques du conflit, qui sont d'ailleurs des mensonges (rétablir la démocratie, trouver des armes de destruction massive, pas de pétrole dans tout ça, pensez-vous..) ; à pantins des communicants, qui tentent de se servir de leur image pour établir une propagande absurde, le temps d'une mi-temps de match de football. Match tout en paillettes, show de Beyoncé et pom-pom girls - dont l'absurde décalage avec le champ de bataille est habilement mis en lumière par le montage.
Dans les deux cas, la guerre et ses conséquences les ont dépossédé d'eux mêmes. Le héros, Billy Lynn, le résume ainsi : cette guerre, celle qu'ils ont fait pourtant, celle pour laquelle ils sont tombés au combat, ne leur appartient pas, elle appartient au gouvernement, aux civils qui s'en font tout un imaginaire et qui à coup de « We support the troups », valident et prolongent un conflit absurde.
Ang Lee frappe fort, fort d'un casting hétéroclite et à contre-emploi (feat. Kristen Stewart, Vin Diesel et Steve Martin), signant un joli coup de maître anti-guerre tout en dédouanant les soldats, tout en bas de la hiérarchie politique, davantage vues comme des victimes. A voir, même si c'est quasi mission impossible en France...