Curieux film qu'"Un matin rouge", qui rappelle par son intrigue ces deux grands classiques français relatifs à la période de l'Occupation.
Le scénario rappelle surtout le film de Duvivier, puisqu'il est question d'un groupe de villageois se retrouvant des années après la guerre, afin de déterminer qui avait pu dénoncer un instituteur résistant, à l'époque où ils étaient adolescents.
Le massacre et le viol commis par les nazis à la suite de la dénonciation, montrés de façon assez frontale, pourront évoquer ceux visibles dans "Le vieux fusil" de Robert Enrico, avec en outre quelques éléments narratifs rappelant "La maison assassinée" de Lautner.
La grosse différence avec ses prestigieux aînés réside dans le traitement de cette histoire, puisque les conversations entre anciens camarades perdus de vue sont entrecoupées par des images d'une fête de village commémorative - l'un d'entre eux étant devenu maire de la petite localité.
Entre deux débats sur les notions d'oubli, de vengeance, de serment et de légalité en temps de guerre, on assiste donc médusés aux flonflons d'un concert nocturne et à des danses folkloriques, sur l'étrange bande originale - aux sonorités modernes - de l'italien Angelo Branduardi (les textes des chansons sont signés Etienne Roda-Gil).
Le résultat s'avère déstabilisant mais peu convaincant. Si le décor unique du village (tournage à Saint-Léonard-de-Noblat en Haute-Vienne) est une jolie idée de mise en scène, l'ensemble s'avère trop bancal et anecdotique (le film dure moins d'1H20) pour amener une vraie réflexion, à l'image d'un dénouement radical qui laisse perplexe.
"Un matin rouge" sera le premier des deux seuls films de cinéma tournés par le méconnu Jean-Jacques Aublanc, qui parvient pourtant à s'entourer d'un casting de choix, composé notamment de Claude Rich, Maurice Ronet, Michel Duchaussoy et Marie Trintignant.
De bons comédiens qui ne parviennent pas à sauver le film du ratage, et désormais de l'oubli.