Spécialiste des films sur la santé, Thomas Lilti se concentre cette fois sur un autre secteur vital et de plus en plus en crise : l'éducation nationale. Et apparemment, c'est quelque chose qu'il connait tout aussi bien (il est fils de prof). Le problème c'est que, si les comédies dramatiques sociales consacrées à la médecine et aux hôpitaux restent relativement rares dans le cinéma français, on ne peut pas en dire autant des films se déroulant en milieu scolaire. En fait, je crois qu'il en sort au moins deux ou trois par an. Ne serait-ce que récemment, on pourrait citer "La Cour des miracles", "La vie scolaire", "L'école est à nous", "Le Principal", "Un monde", L'école est finie", "Les grands esprits", "L'Heure de la sortie", "Premier de la classe", "Parents d'élèves", "Un vrai bonhomme"... sans parler des comédies potaches et moins réalistes type Ducobu, le les Profs ou les Blagues de Toto.
Il était donc difficile de se démarquer, d'autant que le film se déroule, comme souvent, dans un collège de banlieue parisienne et suit une équipe éducative hétéroclite sans vraiment se focaliser sur un personnage en particulier.
Mais Lilti est un bon réalisateur, a des choses à dire, à montrer, de l'humour, du coeur, une empathie à toute épreuve... et surtout un casting royal.
Rien de surprenant donc à ce que chaque acteur tienne son rôle avec conviction et fasse ce qu'on attend de lui : Vincent Lacoste en jeune prof de maths remplaçant découvrant sa vocation, François Cluzet en vieux briscard lassé mais toujours investi, William Lebghil dans le rôle du prof d'anglais rigolo, Adèle Exarchopoulos en jeune mère célibattante, un duo (couple ?) de profs de sport plus fragile qu'il n'y parait... Mais on retient surtout la performance exceptionnelle de Louise Bourgoin en prof de SVT au bord du burn out, dépassée par un fils en pleine crise d'adolescence.
Dommage que le nombre de personnages ne permette pas de tous les développer de manière équitable. La pauvre Lucie Zhang semble même avoir été coupée au montage tellement on la voit peu, malgré sa présence sur l'affiche (ce qui n'est pas le cas d'autres acteurs plus présents qu'elle, mais probablement moins connus ?). N'allez pas non plus voir le film pour Bouli Lanners, il n'apparait que dans une seule scène.
Je me suis parfois dit pendant la projection que le sujet se serait mieux prêté à une série, dans le style d'Hippocrate. Malgré tout, on arrive à s'attacher et à comprendre chacun. On les voit lutter pour s'imposer, pour intéresser les élèves, pour marquer leur autorité, pour allier vie privée et vie professionnelle. Car enseignant n'est certainement pas un métier comme les autres, et le frontière est parfois floue, autant pour les profs que pour les élèves, entre le collège et l'extérieur. Le scénario, bien qu'un peu déséquilibré, parvient à boucler les arcs narratifs et à conserver son réalisme jusqu'au bout. On est ni dans un "feel good movie" ni dans un "film choc".
Thomas Lilti parvient, tant bien que mal, à tenir le programme, avec pédagogie, bienveillance et esprit critique, comme un bon enseignant quoi. Il signe en tous cas un brillant hommage à un métier souvent mal considéré, en montrant des êtres humains, investis et courageux. Des héros du quotidien, avec leurs failles, leurs doutes, mais aussi des convictions fortes et un sens du devoir qui force le respect.