Quarante ans séparent ce remake signé Jean-François Richet du film de Claude Berri, une excellente comédie de mœurs aujourd’hui étrangement un peu oubliée. Ces quatre décennies permettent de mesurer comment notre société mais aussi le cinéma français ont évolué. Si le propos demeure identique à son modèle, il s’évertue à être moins immoral. Cependant, le récit ne renie pas l’original : la fille est mineure, les sentiments de Vincent Cassel ambigües, le lien entre les deux nébuleux. L’époque, en revanche, a changé : les jeunes filles ne se baignent plus à poil devant leur père, les réseaux sociaux ont rebattu de nouvelles cartes et le sentiment de culpabilité des adultes est davantage marqué. En d’autres termes, la France des années 2010 est plus morale. Et puis #MeToo est aussi passé par là et certains sujets ne peuvent plus être traités comme dans les années 70.
Côté réalisation, le clinquant a clairement pris le dessus. Les deux amis ne sont visiblement pas des Français moyens mais plutôt des Français qui ont réussi. Le film a été tourné en Corse et cherche très clairement à en mettre plein la vue. Les soirées sont endiablées sur des musiques technos et on ne trouve plus trace du mariage sur la plage. La société de loisirs et de divertissements a pris le dessus sur celle de consommation. Cette distance entre les deux films n’est, malgré tout, qu’un exercice obligatoire et on ne sent jamais chez Richet la volonté d’interroger cette évolution. Toutes les premières scènes autour des problèmes de réseau pour téléphoner ou pour se connecter à Facebook notamment sont, à ce titre, maladroites et lourdingues. On apprécie cependant dans cette relecture du récit, l’introduction de nouvelles séquences (comme celle de la chasse par exemple qui amène un pas de côté salutaire).
Salutaire car s’il tient bien son rang, ce remake souffre évidemment de la comparaison. La tendresse et la gravité du film de Berri disparaissent au profit d’un ton gêné plus convenu. Si Vincent Cassel est, comme toujours, excellent (et il fallait bien un acteur de sa trempe pour succéder à Jean-Pierre Marielle), François Cluzet ne peut, comme à son habitude, s’empêcher d’en faire des caisses dans la colère et les jérémiades. Le jeu tout en retenu de Victor Lanoux est bien loin. Les filles s’en sortent plutôt bien et très certainement bien mieux que leurs aînées qui étaient le point faible de l’ensemble. Ces différents éléments s’équilibrent. La fin, tout aussi ambigüe mais malgré tout plus douce, confirme que le remake n’ose pas aller au bout de ses idées comme l’original. C’est aussi sa limite même s’il n’est pas déshonorant, loin de là.