Un monde pas si parfait

Un truc amusant avec "un monde parfait" que j'ai vu au moins trois ou quatre fois en l'espace de vingt ans. C'est qu'à chaque fois que je me prépare à le regarder, je me dis "bizarre, ça ne me dit rien, ce film de Eastwood" et au bout de quelques secondes de générique (Kevin Costner allongé dans une prairie avec un hélicoptère au-dessus de lui), le film me revient dans son ensemble. Cela provient peut-être du fait que le titre ne me parait pas si en adéquation que ça avec le film.

"Un monde parfait" est à la fois un road-movie et un thriller. Deux prisonniers évadés prennent en otage un petit garçon avant de fuir sur les routes texanes avec la police à leurs trousses. L'intrigue y est assez prévisible sauf que le scénario m'a paru agrémenté par une certaine satire des mœurs policières américaines d'une part et d'un portrait psychologique particulier du tueur ou du gamin d'autre part.

Revenons à ce que j'appelle "la certaine satire" que je veux bien voir et qui n'est peut-être pas si avérée au fond. Le gouverneur qui rappelle à Red Garnett (Clint Eastwood) qu'on est en campagne électorale, le gouverneur qui prête son joujou de campagne du bout des lèvres (une énorme caravane qui est prévue de servir de QG mobile) et que Eastwood va évidemment bousiller, les énormes moyens déployés et qui s'avèrent ridiculement inefficaces ou complètement absurdes (caravanes de bagnoles de flic toutes sirènes hurlantes sur une route de campagne déserte) sans oublier les démangeaisons suspectes des doigts des flics sur les détentes de leurs flingues qui veulent en découdre (sans prendre le moindre risque of course). Après tout, il n'y a peut-être rien de satirique, peut-être un léger humour (la voiture censée tracter la caravane qui se fait doubler par la caravane).

En définitive, on retiendra du film la relation qui se tisse entre le prisonnier évadé (Kevin Costner) et le petit garçon de 8 ans. D'abord une relation de méfiance qui se traduit vite en relation de confiance à cause des similitudes des deux "parcours" où les deux ont eu une enfance sans père. Mais du côté du petit garçon qui est élevé dans une famille "témoin de Jéhovah", c'est la découverte que certains interdits peuvent avoir du bon et même du très bon comme cette panoplie de "Casper le fantôme" qu'il va même oser voler ; il y apprendra qu'un instant de honte est vite bu. Autant en profiter d'être avec un vrai gangster !

Côté casting,

Clint Eastwood en Texas Ranger tendance macho a réussi à laisser de côté la défroque de l'inspecteur Harry. Ouf, on est bien content. Là, comme toujours, il prend ses aises avec la hiérarchie et la discipline mais on le sent presqu'avoir de l'empathie pour le tueur. Est-ce l'influence positive de la criminologue (Laura Dern) qui apporte sa petite touche d'humanité ?

Kevin Costner sera l'acteur qui tirera le mieux son épingle du jeu à cause de la bienveillance qu'il éprouve pour le petit garçon. Cependant, pour ne pas présenter un personnage trop visiblement sympa, le scénario le montre régulièrement pétant les plombs dès lors qu'on maltraite un enfant. Le côté bad boy ressort pour rappeler qu'on a affaire à un criminel même si Kevin Costner dit qu'il "n'est pas bon mais moins mauvais que d'autres". La dernière scène avec la famille noire est, de mon point de vue, excessive. On avait compris sans qu'on nous mette les points sur les i.

C'est la scène finale qui traine en longueur et que Eastwood a dramatisé à l'extrême, avec certains clichés comme celui du sniper "celui-là ne fera plus beaucoup de mal" qui gâche, de mon point de vue, l'ensemble du film.

Au final, c'est un film moyen qui se laisse regarder mais où il n'y a rien de bien palpitant hormis la relation touchante entre Kevin Costner et le petit garçon. Dans le même genre, je préfère nettement "Witness" de Peter Weir.