Je ne sais pas si c’est autobiographique ou non (mais probablement que oui), mais la question de la place du père est omniprésente dans une partie du cinéma Eastwoodien. Père absent ou dévoué, violent ou aimant, spirituel ou biologique, ils sont quasiment tous représentés dans la filmographie du monsieur. Dans Un monde parfait, c’est l’absence du père et ses conséquences sur le développement de l’enfant qui sont, entre autres, mises en jeu. Le lien le plus évident, et qui apparait comme le plus fort à l’écran, c’est celui entre Butch et Phillip. Le premier, fils de prostitué fantasmant sur un père parti en Alaska, a dû endosser le rôle du paternel dès son enfance, étant donné que c’est lui qui a tué un homme pour protéger sa mère, ce qui lui a valu un début de parcours plutôt difficile. Ce manque a donc fait de lui un délinquant au grand cœur, mais qui est de ce fait particulièrement sensible au traitement des enfants par leur père, comme le démontre une des dernières scènes du film. Phillip, le gamin que Butch prend en otage lors de son évasion, est lui aussi privé de repère masculin, entouré de sa mère et ses deux sœurs, et qui plus est dans une famille témoin de Jehova. En plus de chercher sa place, il doit endurer une enfance de privation liée aux croyances des adultes. Sa rencontre, pour le moins brutale, avec celui qui va devenir son père de substitution, lui permettra de découvrir un aspect du monde inédit pour lui, empreint de liberté. C’est donc une fuite pour les deux personnages, interprétés très justement par Kevin Costner et le jeune (dont je ne sais pas le nom mais qui est très juste donc), à la recherche de liens qu’ils n’ont jamais connu auparavant, seuls contre tous.
Le deuxième lien, qui est peu exploité, est celui entre Butch et Eastwood lui-même. Ce dernier a convaincu le juge pour enfant de laisser une chance au jeune délinquant qu’était alors Butch, pour mieux le relancer dans la vie. C’est donc dans une scène significative qu’il vient à la rencontre du père et fils spirituels, pour compléter la trinité, signifiée dans un plan large, où Eastwood, Butch et Phillip se font face. Le personnage d’Eastwood impose aussi son autorité patriarcale au sein de son équipe, en prenant la place de chef notamment ou en protégeant Laura Dern des petits vicieux. On pourrait se questionner sur le fait qu’Eastwood réalisateur se donne le rôle du patriarche suprême, et donc sur sa propre vision de lui-même, si ce ne serait quand même pas un peu présomptueux, mais Un monde parfait reste un très beau road movie, qui s’inscrit parfaitement dans la carrière du Father, on peut donc lui passer ça.

Léa_Krykowski
8
Écrit par

Créée

le 4 nov. 2015

Critique lue 326 fois

1 j'aime

Léa_Krykowski

Écrit par

Critique lue 326 fois

1

D'autres avis sur Un monde parfait

Un monde parfait
Docteur_Jivago
9

Father...

Après des années 1980 plutôt difficile pour Clint Eastwood au box-office, il entame un vrai renouveau dans les années 1990 avec en premier lieu "Impitoyable" qui sera couronné de succès public et...

le 27 déc. 2014

54 j'aime

1

Un monde parfait
Nomenale
8

Critique de Un monde parfait par Nomenale

Une relation improbable entre un évadé - Butch - et son otage, une relation d'amitié, de confiance qui s'établit doucement. C'est à travers les interactions entre ces deux personnages qu'on les...

le 17 mai 2013

35 j'aime

Un monde parfait
Strangelove
9

Deux étoiles au firmament

Que pourrait donner la rencontre de deux géants du cinéma hollywoodien à leur apogée ? Clint Eastwood vient de triompher aux oscars avec son excellent Impitoyable (un retour au western très réussi...

le 5 juin 2013

29 j'aime

1

Du même critique

Night Call
Léa_Krykowski
8

Le paradoxe

Après le vol, Lou découvre une opportunité dans un autre registre : l’info news trash. Débutant, on le suit durant sa malsaine ascension apprendre peu à peu les ficelles du métier, rencontrer les...

le 12 mai 2015

9 j'aime

Big Eyes
Léa_Krykowski
7

«The Eyes are the window to your soul »

Même si, en sortant de la salle, j’ai pu penser qu’il s’agissait d’une œuvre originale dans la carrière de Tim Burton, je me suis rendue compte qu’il y avait toujours certains aspects qui permettent...

le 5 avr. 2015

8 j'aime

2

Shaun le mouton - Le Film
Léa_Krykowski
9

La ferme des animaux

Exit les cochons, ce sont maintenant les moutons qui prennent les rênes de cette aventure au cœur de la jungle urbaine. La dernière pépite en date des studios Aardman, Shaun le Mouton, revient à la...

le 10 avr. 2015

7 j'aime