Un Monstre à mille têtes par Aldorus Berthier

Le cinéma latino-américain local a souvent du mal à se frayer un chemin marquant dans les salles françaises. Et pour cause : dernièrement, nous avons pu voir certains films comme Paulina ou notre intéressé, Un monstre à mille têtes, ne pas se diffuser dans plus d’une cinquantaine de salles à travers le pays. Souvent des productions au budget relativement faible, mais assez sous-estimées. Tout est relatif, peut-être, toujours est-il que ces films ont pourtant de l’ambition à revendre.


Ce long-métrage de Rodrigo Plá est en effet riche d’éléments de mise en scène et veut montrer beaucoup. Ce qu’il réussit malgré une durée extrêmement courte d’à peine une heure et quart : des plans jouant sur la profondeur et la richesse de détails, pas vraiment beaux et plutôt bruts mais cela n’est pas l’objectif ; on déballe dans ce film un ton sec mais ne manquant pas pour autant de finesse. Le tout servant un scénario tout de même un peu surfait : atteindre si vite l’extrême du flingue braqué entre les deux yeux pour une histoire de corruption d’assurances sans même le savoir encore semble presque surréaliste, même dans un contexte aussi dramatique.


Ajoutons que, au final, le même schéma a tendance à se répéter : une visite à la volée à un pion dans tout le mécanisme de la compagnie, une demande d’un ton cordial, un refus poli puis obstiné, on sort le pistolet et le fonctionnaire finit par consentir. Le cheminement empruntant cette mécanique occupe de plus les trois quarts du film, le reste étant l’exposition, les courts témoignages en voix off résumant la scène d’un autre point de vue que celui, externe, de la mère de famille désespérée (entre autres, choix de mise en scène excellent au demeurant).


Au niveau cinématographique, bien que chaque plan fourmille de détails et de symbolique, le seul problème du métrage est qu’il est statique. Nous parlons d’un film tourné intégralement en plan fixe, sans aucun mouvement de caméra (même pour filmer le déplacement d’une voiture, Plá choisit de planter la caméra sur son capot). Que cette accumulation de plans fixes serve un sens du détail particulièrement aigu ou qu’il soit la marque d’un style, pourquoi pas. Le problème étant que dans un film se voulant mobile et où tout se passe à un rythme effréné, la surabondance de plans fixes détonne quelque peu avec son propos.


Au reste, Un monstre à mille têtes demeure un film sympathique, modeste mais ambitieux, critique des hiérarchies administratives souvent crapuleuses et sans considération, récit d’un combat violent et intense, jusqu’à la révélation finale.


Le mari est mort. Le périple de Sonia Bonet, envers et contre tout, fut vain.

Aldorus
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le 13 août 2016

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