Un journaliste, Philippe Noiret, accompagné de son photographe, sillonnent les rues de Paris à bord d'une voiture toute cabossée, car ils sont à la recherche du moindre scoop leur permettant de faire les chiens écrasés. Par exemple, ils sont présents à l'éboulement d'un immeuble, et le journaliste veut interroger les survivants à peine sortis des décombres, tandis que le photographe s'empresse de faire des clichés de leurs visages ensanglantés. Pour la déontologie, on repassera... Sauf qu'un jour, le photographe que joue Pierre Richard doit récupérer ses enfants, et qu'ils disparaissent pendant qu'il est dans une cabine téléphonique....
Un nuage entre les dents est ce qu'on appeler un film sacrifié sur l'autel de la réussite de Pierre Richard et Philippe Noiret. Les deux sortant de grands succès au début des années 1970, ils choisissent ce scénario qui ne les met clairement pas à leur avantage, le tout réalisé par un ancien assistant-réalisateur d'Yves Robert et Pierre Richard qui, pour un premier film, signe une grande réussite.
Au fond, c'est une œuvre intelligente, anticipant avec quarante ans d'avance Night call, sur la recherche de l'info à tout prix, quitte à l'exagérer ou à l'inventer pour appâter le chaland. C'est également de voir Pierre Richard dans un rôle pas du tout drôle, où il boit, se met en colère, se bat, vomit, bref qui n'est pas du tout à son avantage avec sa barbe pas entretenue et ses cheveux en bataille, mais que je trouve formidable, car en fait de chercher ses enfants, ce qu'il ne veut surtout pas, c'est qu'on prévienne sa femme qu'ils ont disparus !
A ses côtés se trouve l'impérial Philippe Noiret, qui avait énormément grossi au sortir de La grande bouffe, et qui est lui dans un sale état, cheveux gras et vêtements qui ont l'air d'être portés sur lui depuis un bon moment. Ils représentent quelque part des journalistes de l'extrême dans un Paris de 1973 qui se reconstruit, ce qui donne des plans sidérants de bâtiments anciens détruits pour laisser place à la modernité.
Bien que le duo principal se taille la part du lion, notons aussi la présence du formidable Claude Piéplu, d'un extraordinaire cynisme en tant que rédacteur en chef, et qui veut profiter de ces enlèvements, supposés ou non, pour augmenter le tirage de son journal de façon à en faire un suspens, tant pis pour le pauvre journaliste.
Le film en soi n'est pas vraiment drôle, mais flirte par moments avec l'absurde, avec ce fameux plan où on voit un éléphant dans les rues de Paris, sans aucune raison, ou le repas pantagruélique que se font Noiret et Richard, alors que ce dernier est censé chercher ses enfants !
Je ne vais pas raconter comment ça se finit, mais Un nuage entre les dents est un film ô combien visionnaire, et qui a sans doute choqué le public de l'époque, d'où sans doute sa disparition jusqu'en 2017.
Formidable !