Il fallait un film hollywoodien sur Bob Dylan, héros américain des temps modernes qui reflète, sans doute malgré lui, l'idéal de sa société : la jeunesse, l'inventivité, l'ambition, le succès… Le fameux mythe du self-made man. Mais alors qu'il s'agit de raconter l'ascension de ce génie, le film est d'une banalité crasse. Attention, tout est réussi, la copie est vraiment très propre, mais on a l'impression d'assister à un cours de biopic pour les nuls.
Tous les attendus du genre sont là. Chronologiquement, d'abord : les débuts poussifs, l'affirmation, l'ascension, la gloire, les doutes, la nostalgie de l'avant-gloire, la rébellion, la victoire. Les personnages environnants aussi, entre la première amoureuse, le mentor bientôt collant, l'amour-haine envers la rivale (Joan Baez). Sans compter les thèmes annexes, ici sur la liberté artistique, là sur la célébrité, ici encore sur l'environnement bouillonnant du New-York musical, là enfin sur la grande Histoire des USA entre crise des missiles et assassinat de JFK. Le tout avec une vertu pédagogique certaine puisqu'on plonge à corps perdu dans le monde de la folk. L'élève a compris ce qu'on lui demandait, bravo. Techniquement aussi, c'est aussi réussi que peu original. La musique prend une bonne place du film, sans le manger complètement. Les jeux de lumière et de caméra sont redondants : gros plan sur Bobby qui chante, caméra qui s'éloigne lentement avec les lumières qui éblouissent… Franchement ça arrive au moins 20 fois dans le film, on a compris je pense.
Un petit mot sur la performance incroyable de Timothée Chalamet. Pas forcément pour son jeu d'ailleurs, même s'il est tout à fait crédible (il est tellement entré dans le personnage qu'il fait la même tronche de la première à la dernière minute, un peu dommage), plutôt pour sa voix. J'ai passé le film à me demander si c'était vraiment lui qui chantait ou s'il était doublé par d'authentiques chansons de Bob Dylan. Et c'est bel et bien lui. Bluffant !
Je reste tout de même persuadé qu'un film sur Joan Baez, sa rivale, aurait été bien plus captivant. Déjà car c'est une artiste accomplie au succès fou, aussi car je me demande vraiment comment elle a vécu la coexistence avec Bob Dylan, ce jeune venu de nulle part et devenu plus célèbre qu'elle, mais qu'elle ne peut s'empêcher d'admirer. Comme une redite de Salieri, et de Mozart ?