Going Electric
Portrait biographique de cette immense star internationale qu'est Bob Dylan (prix Nobel de Littérature 2016 unique en son genre !), légende vivante de la Folk Rock depuis le début des années 60 aux...
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le 23 janv. 2025
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En vrai, pourquoi va-t-on voir un biopic sur Bob Dylan ?
Pour se le remémorer ?
Pour l'écouter autrement ?
Pour le découvrir ?
Pour le re-découvrir ?
...Ou bien est-ce qu'on peut éventuellement envisager d'aller voir ce film simplement en tant que film – indépendamment du grand Bob – juste dans l'espoir de tomber sur du bon cinéma ?
Personnellement c'est ce que j'ai fait ; j'ai choisi la dernière option. En même temps – et pour tout vous dire – j'y suis allé sans même savoir qu'il s'agissait-là d'un film sur Bob Dylan. Je me suis juste fié à un nom, celui de James Mangold. De là j'ai pris le titre au pied de la lettre. J'ai simplement attendu qu'on me fasse découvrir ce qui pouvait y avoir d'intéressant dans ce portrait de « parfait inconnu ». Rien de plus
Et donc ça donne quoi le fait d'aborder ce film en reléguant Dylan au rend des inconnus et en s'intéressant avant tout au cinéma ? Eh bien pour être honnête, au premier contact, c'est plutôt agréable. Rien que ce premier plan, il m'a fait du bien. Un travelling latéral sur un pont new-yorkais. Les barreaux d'acier défilent, les raccords du tablier tapent fort sous les roues du bus. Rien que ça, c'est con, mais ça fait en sorte que, tout de suite, j'y suis. Je suis bien dans le New-York des années 60. Le New-York industriel. Le New-York a hauteur d'hommes. Et même si derrière ça le flux de voitures d'époque a un peu des allures de défilé de voitures de collection, sensitivement, moi j'adhère.
Ce seau qui racle le sol au sein de cet hôpital plein de résonance, ce café qui boue sur fond de trafic routier, la cacophonie des badauds des rues... Tout ça infuse un temps et un espace. Tout ça apporte de la matière. Tout ça raconte déjà quelque chose au-delà même du verbiage. Et quand bien même je n'entends non plus vous faire croire qu'il y aurait là-dedans une maestria à vous faire tomber à la renverse (parce que bon, non, clairement pas, sachons raison garder), il n'empêche qu'il y a néanmoins là-dedans un savoir-faire appréciable qui est mobilisé, surtout dans le cadre d'un biopic qui entend poser comme un mystère autour des origines du génie verbal et musical de son sujet.
En cela, je trouve quand même que James Mangold n'est jamais aussi bon que lorsqu'il se met au service de la restitution d'un temps ou d'un esprit d'une époque. Et j'avoue que, sur moi, ça fait mouche.
Malgré tout, quand vient le moment de nous plonger pleinement dans le portrait de cet inconnu que, tout aussitôt, ce film nous rappelle qu'il reste un biopic musical et qu'en cela il n'aspirera jamais naviguer en terra incognita.
Cognita l'histoire de ce jeune musicien qui débarque des tréfonds de l'Amérique pour y révéler son talent brut.
Cognita cette trajectoire de la rencontre qui change tout jusqu'à la propulsion vers la célébrité.
Cognita cette vie de tergiversations amoureuses, d'incompréhension et de turpitudes créatrices.
Et j'irai presque jusqu'à dire : cognita, la gueule d'ange de Timothée Chalamet. Peut-être même trop connue, trop vue, voire pas forcément adaptée pour ce rôle d'artiste buriné...
Autant dire qu'à partir de ce moment-là, la promesse d'un grand film s'étiole vite. Mais reste malgré ça la possibilité d'un bon film. Un film sans surprise et sans passion certes, mais au moins un film qui sache faire le café ; ou du moins la tisane vu le genre plus que codifié qui est ici mobilisé.
C'est ce que sera d'ailleurs ce film, à mes yeux. Un film convenu, plutôt lisse, mais qui sait détendre avant d'aller au lit.
Alors oui, ce sera peut-être un peu piquant de ma part que de réduire ce Parfait inconnu à une sorte de consommable sans réelle saveur. Ce ne serait pas faire honneur à la maîtrise globale de cette mise-en-scène dont je parlais à l'instant ; mise en scène certes sobre et parfois académique, mais qui saura séduire les amoureux d'une cinéphilie claire, élégante et au service de son sujet.
C'est d'ailleurs le genre de compliments qu'on pourrait étendre à l'interprétation en général, convaincante, et cela jusqu'aux divers secteurs techniques.
On pourra aussi porter au crédit de Mangold d'avoir tenté de proposer un regard personnel sur son sujet afin de le singulariser.
Je pense notamment à cette manière finalement assez astucieuse de ne pas chercher à expliquer le talent de Dylan pour finalement retourner le questionnement : comment expliquer la médiocrité des quidam alors que ce talent lui semble juste si naturel ? Dylan n'a peut-être rien d'extraordinaire. C'est juste le commun des mortels qui est anormalement pauvre et stérile. En cela, à vouloir préserver une sorte d'inconnue, Mangold maintient autant l'intérêt pour son personnage qu'il justifie son titre : au fond, Dylan restera un parfait inconnu pour tout le monde, jusqu'au bout.
Mais bon, d'un autre côté, difficile de se montrer tendre à l'égard d'un film qui ose nous rejouer avec autant de décomplexion la formule consacrée et usée jusqu'à la corde du biopic musical qui va s'appuyer régulièrement (pour ne pas dire paresseusement) sur les morceaux iconiques de l'auteur.
Alors OK, j'entends bien qu'un film traitant de la vie d'un musicien ne peut décemment pas passer à côté de la composition de ce dernier, soit. Mais à un moment donné, quand tu constates que tu te retrouves à nouveau avec un film basique qui finit par s'étaler sur 2h20, et cela non pas parce qu'il a des trucs à dire, mais juste parce qu'il entend te jouer les deux CD du dernier album Greatest Hits, ça a quand même de quoi gonfler un peu.
Ça gonfle d'autant plus quand tout est dit de la démarche musicale du mec en trois chansons. À partir de là, le reste pouvait clairement être diffusé en fond extradiégétique, pour illustrer des passages. Clairement, on aurait pu éviter cette multiplication ad nauseam de scènes de Bob chantant ses chansons, guitare à la main. Et si encore une fois, je peux parfaitement entendre que ça puisse plaire aux fans de Dylan, moi je me permets quand même, face à ce type de choix bien fainéant, de revenir sur ma question de début de critique : qu'est-ce qu'on fait de ceux, comme moi, qui ne sont venus que pour le cinéma ?
Prenons ne serait-ce que la scène de fin. Cette scène, elle est clairement pensée pour les fans. On est dans une logique de pur copier-coller de Bohemian Rhapsody, c'est-à-dire qu'on va te faire le coup de la longue scène en plein concert où l'auteur va enfin jouer son grand tube qu'on connait tous et qu'on attendait depuis le départ.
Pour un fan, c'est du petit lait. Dans mon cas par exemple, j'avoue que le final de Bohemian Rhapsody – film que j'avais pourtant trouvé plus que médiocre – m'avait bien refilé les poils. Me manger ça sur grand écran avec une sono de dingue, c'était une expérience grisante pour laquelle je suis encore reconnaissant (et ça me fait chier de le reconnaître) à l'égard de ce film qui, pourtant, c'était pour l'essentie bien foutu de ma gueule.
Mais là, dans le cadre de ce Bob Dylan pour lequel je ne nourris aucune affinité particulière, j'en fait quoi de cette scène finale interminable d'un Parfait inconnu ?
Alors d'accord, encore une fois, Mangold a eu ce mérite de réfléchir cette scène comme un moment signifiant de la carrière de Dylan.
Un moment où il rompt définitivement avec les pères et embrasse une culture du changement irréversible et souhaitable.
Mais le problème c'est que c'est long et annoncé depuis des plombes, ce qui rend l'accomplissement final usant, surtout pour qui et connaît la recette PAR CŒUR.
...Et par cœur depuis trop longtemps.
Car oui, cette recette, on la connaît depuis tellement longtemps que, forcément, face à ce Parfait inconnu, on ne peut s'empêcher de se souvenir que le même James Mangold s'était déjà livré à cet exercice du biopic musical – c'était il y a vingt ans – et que ça a donné un film globalement similaire : Walk the Line.
Pour l'anecdote, juste avant d'écrire ces lignes, je suis allé voir ce que j'avais pu dire en 2005 de ce fameux Walk the Line et, en gros, déjà à l'époque, je faisais le même constat
Je relevais les mêmes qualités, je soulignais les mêmes défauts, et je concluais déjà, en 2005 donc, que je n'en pouvais plus de ces films qui copiaient-collaient ad nauseam la même formule du biopic musical.
Vingt ans plus, Mangold ose donc nous ressortir plus ou moins le même film, selon la même formule, et en plus de ça en nous ressortant Johnny Cash comme personnage secondaire, le chanteur dont Walk The Line était le biopic. Et pourtant je constate qu'au bout du compte, je suis bien plus conciliant avec ce parfait inconnu qu'avec Walk the Line... Et ça m'interroge.
Est-ce le fait que je vieillisse et qu'en conséquence, avec le temps, le classicisme plutôt bien troussé finisse par me suffire, et cela malgré un manque d'intérêt évident ? Peut-être.
Est-ce le fait que ce Parfait inconnu présente ce mérite de mieux questionner son personnage par rapport à son époque que le faisait Walk the Line ? Pas impossible.
Ou bien est-ce tout simplement le fait que, Bohemian Rhapsody étant passe par là, ce Parfait inconnu a au moins eu le mérite de se conclure sur un final certes usant mais compensé par l'énergie d'un concert ? Sûrement qu'il y a un peu de ça aussi, oui.
Mais à dire vrai, je n'exclut pas totalement une dernière piste ; une dernière piste que je pose comme une invitation conclusive à la réflexion.
Et si, tout simplement, ce Parfait inconnu n'était-il pas en train de profiter d'une baisse globale des standards cinématographiques de notre époque ?
En ce qui me concerne, je ne peux ignorer qu'il n'y en a pas beaucoup des films que j'ai vus l'an dernier qui étaient en mesure d'assurer ce minimum syndical-là en termes de mise en scène et d'interprétation. Et même si je reste convaincu que ce Parfait inconnu reste globalement plus intéressant et aussi mieux équilibré que Walk the Line, ça reste quand même un peu triste de constater qu'en ce moment, ce qui surnage, ce soit essentiellement de la tisane.
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il y a 2 jours
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