Il faut toujours se méfier des biopics, surtout quand ils s'intéressent à des musiciens iconiques de la seconde moitié du XXieme siècle. Bien souvent ils se résument à hagiographie relevant d'une image d'Epinal dopée aux bons sentiments et au politiquement correct dont le but est souvent un prétexte marketing pour relancer la vente du dernier Best of ou de promouvoir une tournée relevée des compteurs.
Le film de James Mangold , consacré à Bob Dylan , est une vraie réussite et se démarque de la plupart des écueils du genre.
En se concentrant uniquement sur les 4 années qui ont vu Dylan arriver à New York une guitare sèche à la main jusqu'au légendaire festival de Newport au cours duquel il imposa l'électricité amplifiée à un public Folk plus que traditionaliste, Mangold réussit à dépeindre, avec quelques arrangements avec l'histoire, les contours de ce personnage énigmatique sans tomber dans la complaisance et le pré-éloge funèbre.
En laissant une large place aux chansons, les textes à la fois poétiques , politiques et contestataires de Dylan sont mis à l'honneur tout comme leur impact sur l'histoire et la société américaine de l'époque .
L'envol de sa carrière , sa relation avec Joan Baez (incarnée par la magnifique Monica Barbaro), son amitié avec Pette Seeger et Woodie Guthrie font partie des fils conducteurs d'un film qui tente d'approcher au plus près la personnalité complexe de Dylan, .
De la candeur juvénile de ses débuts à son intransigeance à suivre son étoile sans se soucier de quiconque , il est dépeint tout à tour comme un homme timide , sensible , dur, brillant, contestataire, souvent antipathique, exécrant le star système et ses figures imposées en s'efforçant de ne jamais être là ou on l'attend.
Thimoté Chalamet livre une performance remarquable en étant crédible de bout en bout , tel un funambule marchant sur un fil très fin il dépeint la singularité énigmatique d'un homme qui semble toujours en apesanteur au dessus du monde qui l'entoure pour préserver farouchement son indépendance .
"Un parfait inconnu" réussit, à mon sens, à toucher du doigt le mythe Dylan en définissant, à la fois les contours de sa personnalité et de son immense talent, qui lui permettront d'exercer une influence unique sur la musique des années 60/70 et de continuer de tourner inlassablement autour du monde, mais aussi de devenir acteur, peintre , romancier, poète et de décrocher le prix Nobel de littérature en 2016, un prix qu'il n'ira d'ailleurs pas chercher.
Bien sur ce film parlera plus aux boomers qu'aux milleniums, mais s'il arrive à les intéresser à l'univers de Dylan, le pari sera doublement réussi !