Tout d'abord, on me pardonnera, j'espère, ce titre en forme de clin d’œil en direction d'un de mes films cultes. Car le sujet de ce documentaire est grave, et se situe sur un autre plan que les pitreries, au demeurant hilarantes, d'un Jugnot. Sans doute aurais-je choisi de titrer cette chronique sur le mode de la galéjade pour évacuer la tension que suscite le visionnage de ce film.
Il s'agit, tout le monde le sait, d'un documentaire qui porte sur les exactions policières commises, dans notre pays, depuis le 17 novembre 2018 jusqu'à une date récente. La construction en est simple mais très habile et impressionnante de maitrise : une alternance de scènes prises sur le vif, souvent par les protagonistes eux-mêmes à l'aide de leurs téléphones portables et de moments d'échanges, de débats et de témoignages, auxquels participent une quinzaine d'intervenants.
Les scènes prises sur le vif sont la plupart du temps insoutenables tant elles sont violentes. Elles rendent parfaitement la dureté et l'immédiateté des situations qu'elles transcrivent. Certaines d'entre elles, à défaut d'avoir été massivement diffusées par les grandes télévisions publiques et privées, ont largement circulé sur les réseaux sociaux : éborgnage de Jérôme Rodriguez par un tir de LBD, arrachage de la main d'Antoine Boudinet à Bordeaux par une grenade de désencerclement GLI-F4, tabassage en règle de quatre manifestants dans les locaux du Burger King des Champs-Élysées, etc., etc. Avec, de temps à autres, quelques images d'interventions de responsables politiques venant parfois pimenter le tout.
Les moments d'échange sont filmés dans un décor très neutre, avec beaucoup de gros plans sur les visages. Tout sauf un plateau télé, on n'a jamais une vue synoptique des lieux. Ils permettent, déjà au spectateur de souffler, mais aussi de mettre en perspectives les images brutes et brutales que le documentaire montre par ailleurs. Le spectre des intervenants est très large : il va de l'écrivain Damasio (dont on connait la sympathie pour les ZAD et les zadistes) jusqu'à une huile du syndicat policier Alliance (dont on connait la sympathie pour les idées professées par le Rassemblement National). Figurent également des sociologues, un ethnographie, un enquêteur des nations-unies, un journaliste indépendant, une historienne, une juriste, d'autres syndicalistes dans la police, un commandant de gendarmerie...ainsi que quelques uns des mutilés dont il est question dans les scènes prises sur le vif et deux mères des lycéens de la tristement célèbre "classe qui se tient sage" de Mantes-la-Jolie.
Il est beaucoup question, dans les discussions, du monopole de la violence légitime dévolu à l'état, et on regrettera à ce titre, l'absence, justement, de représentant du dit état. Pourtant semble-il sollicités, ils auraient tous décliné l'invitation, jugeant possiblement que le film ne se situerait pas dans le même camp qu'eux. Viendront sur la table les questions du monopole, d'une part, et de la légitimité, d'autre part, la seconde entrainant celle de la proportionnalité des réponses policières. Et au fil des discussions surgiront des thématiques de plus en plus larges comme la violence sociale et son lot d'humiliations pour les populations marginalisées, les droits de l'homme, le contrôle des opposants politiques, la démocratie. Discussions qui s'achèveront sur une formule que beaucoup de spectateur, je crois, retiendront : la démocratie, c'est le dissensus.
Ainsi, de fil en aiguille, le spectateur va passer sans discontinuité du terrain, vu au sens le plus terre à terre possible, à la dimension politique des événements. C'est là toute l'habileté du film, car il arrive à opérer cela sans jamais faire preuve de lourdeur, ni jamais tomber dans le piège des jugements ou dans celui du parti-pris. Et l'on comprend alors de façon éclatante, à travers notamment l'empressement du syndicaliste d'Alliance à défendre les collègues, que la police n'est finalement qu'un instrument de domination de plus du régime, instrument à qui on va demander de sortir matraques et armes de guerre lorsque les autres, plus doux, ont cessé de produire leurs effets.
Mais, on est où, là ?