Qui a le monopole de la violence ?
Qui est légitime à exercer la violence ?
Voilà de bien étranges questions.
Sur fond des manifestations des Gilets Jaunes en France entre 2019 et 2020, le, devrais-je dire les sujets de ce documentaire me paraissent plus profonds.
Il s'allonge sur le matelas de l'article 12 de la Déclaration des Droits de l'Homme et de Citoyen, partie intégrante de notre Constitution de la Vème République encore en vigueur à ce jour, qui dispose que :
Art. 12. La garantie des droits de l'Homme et du Citoyen nécessite une force publique : cette force est donc instituée pour l'avantage de tous, et non pour l'utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée.
J'ai choisi de retenir pour ma chronique deux des signifiants qui m'ont paru les plus importants : "politique" et "légitime". Que signifient-ils ? Ca, c'est que le documentaire ne dit pas. Et c'est là-dessus qu'il m'a fait réfléchir, encore et encore...
C'est que le début d'accord d'accord... chantait Francis Cabrel.
Dans ce documentaire, il est question du légal au profit des illégitimités multiples, je cite.
Mais la parole qui m'est apparu comme la plus emblématique est que:
la police et la justice [ont été] sacrifiées lorsqu'on a fait entrer l'état d'urgence dans le droit commun
Qui est légitime à dire ce qui est violent ou ce qui ne l'est pas ?
Quel rapport entretenons-nous avec ce pouvoir qui nous traverse, et qui surgit tel un impossible réel au tournant d'un acte tel qu'il y aura un avant et un après lui : une main mutilée, un oeil perdu, un coup porté, une défense légitime, une attaque dépourvue de sens et des nerfs à vif faute d'un gouvernement apte à mesurer les actes de la rue.
Une autre facette au dé pipé de l'exercice de cette violence est la parole donnée aux images, que fait-on lorsqu'on choisit de montrer telle image ? Quand on les monte pour en faire un film ? Un JT ? Un reportage ? Un documentaire ?
La force des images est dans ce documentaire légendée par le discours des intervenants dont le réalisateur aura eu la subtilité de ne pas nous en donner les noms et fonctions avant la fin, donnant à leur parole, à leurs mots les poids qui leur appartiennent sans trop biaiser notre jugement.
Il m'en reste des questions sans réponse :
Comment en sommes-nous arrivés là ?
Comment la France a pu être déclassée du rang des démocraties, elle qui fût le pays des Lumières ? Cette France de l'Arc de Triomphe, certes symbole d'une "violence d'Etat" (je cite toujours), mais aujourd'hui oeuvre d'art symbole d'un moment de l'Histoire à ne pas oublier. Car l'oubli est la pire des choses, et ce documentaire en est la preuve, il faut que les événements restent dans l'Histoire et ne soient pas dévoyés.
Finalement la grande question qui m'apparaît est : qu'est notre démocratie devenue ?
L'Etat est-il toujours légitime ? Et plus que l'Etat, ceux qui ont endossé les costumes de son exercice le demeurent-ils ?
Comment donner sens à cette surdité du plus haut niveau, cette dichotomie entre l'exercice du pouvoir et la population ?
Le lien direct que j'ai fait est la dernière image de ce bijou qu'est Les Misérables de Ladj Ly (https://www.senscritique.com/film/Les_Miserables/36300047) et plus exactement la dernière image du film, dont je trouve ici un écho fracassant.
Cette police sans organisation, entre le marteau et l'enclume qui n'a clairement plus l'occasion, l'opportunité, ou tout autre signifiant de la même famille, de penser ; cette population qui tente de se faire entendre mais qui n'entend que l'écho de sa propre voix, tout cela ne peut conduire qu'à ce que montrent les images choisies et organisées par David Dufresne.
PS pour répondre à une question dans la salle : le film n'a aucune interdiction de limite d'âge et c'est tant mieux, les enfants qui ont été pris dans ces mouvements d'horreur et de violence n'ont pas été épargnés du fait de leur âge. Il me semble que c'est le rôle des parents de savoir ce qui est à montrer ou pas. Ce documentaire n'a pas besoin de souffrir d'une interdiction, il a besoin d'être le début d'une nouvelle ère, celle des citoyens qui réfléchissent qui se souviennent, des parents responsables de leurs enfants, d'une éducation pour tous et d'une et de la lutte contre la pensée unique, les enfants d'aujourd'hui sont les citoyens votants de demain.
Les arts sont là pour nous maintenir éveillés, il serait dommageable de les museler ou de les censurer.
Mais tout ceci n'engage que moi.
Bonne séance !