Dans une petite ville du Nord sinistrée économiquement,comme l'est toute la région,Jacques est un chômeur à la dérive depuis la fermeture de l'usine où il travaillait.Sa femme l'a quitté,il est criblé de dettes et vivote en multipliant les emplois précaires.Par-dessus le marché il s'est endetté au poker et son créancier Gardot,le parrain mafieux du coin,lui propose pour s'en sortir d'éliminer son épouse infidèle.Il s'acquitte du contrat et devient le tueur à gages attitré du truand.Ce film est la dernière des quatre réalisations de Pascal Chaumeil,mort en 2015 à 54 ans,et il est très supérieur aux comédies minables qu'il avait jusque-là shootées.Il faut préciser que "Un petit boulot" est surtout l'oeuvre de Michel Blanc,qui en plus de tenir un des deux rôles principaux a également signé scénario,adaptation et dialogues,d'après un roman de l'américano-écossais Iain Levison.L'acteur appréciait les bouquins anglo-saxons puisqu'il avait notamment adapté le "Vacances anglaises" de Joseph Connolly pour son "Embrassez qui vous voudrez",ou "Une situation légèrement délicate" de Mark Haddon pour "Une petite zone de turbulences" d'Alfred Lot."Un petit boulot" est certes un film mineur mais c'est quand même une jolie réussite en matière de polar noir humoristique.C'est cynique,c'est constamment inattendu,c'est à la fois drôle et tragique,équilibre difficile à trouver,et c'est plein de détails incongrus tirant sur le surréalisme.Les dialogues sont finement écrits,les personnages barrés juste ce qu'il faut pour ne pas sombrer dans la guignolade,et l'ambiance terne et démoralisante du Nord est bien retranscrite par une photo grisâtre et des décors glauques.Blanc se paye en outre le luxe de ne pas éluder la situation sociale désespérée de ce Nord frappé de plein fouet par l'horreur économique,qui ne sert pas de vague contexte à l'histoire mais en est au contraire le moteur.Presque tout le monde se conduit mal ici mais y est contraint par l'instinct de survie et le manque de perspectives.Les femmes sont infidèles et vénales,les hommes sont malhonnêtes et on peut finir par considérer le crime comme une solution logique pour sortir de la mouise.Jacques est à la base un type bien et parfaitement pacifique,mais les circonstances vont se charger de lui prouver que n'importe qui peut devenir un assassin pour peu que les conditions de vie s'y prêtent.Il va même prendre goût au boulot,cet ouvrier zélé retrouvant les réflexes liés à la conscience professionnelle qui l'animait lors de ses années d'usine.Il est d'ailleurs hilarant de voir le décalage entre l'horreur de ses actes et la bonne volonté imperturbable et obstinée qu'il met à les commettre.Romain Duris,qui avait été la vedette de "L'arnacoeur" de Chaumeil, est dans ses bons jours et se montre franchement irrésistible en tueur appliqué au total look zonard,tandis que Blanc est une fois de plus magistral en vieux caïd aussi impitoyable que désarmant de franchise.Les personnages secondaires sont incarnés par de fortes personnalités comme la mimi Alice Belaïdi en fliquette équivoque,Alex Lutz en inspecteur de stations-service tatillon,Gustave Kervern en brave type dépassé par les évènements,Charlie Dupont,génial en magouilleur prêt au pire,Thomas Mustin,désopilant en jeune au parler incompréhensible,Philippe Grand'Henry en indic grillé ou Patrick Descamps en victime qui renverse la vapeur.La plupart des acteurs sont belges car il s'agit d'une production franco-belge assurée côté français par la Gaumont.Notes et critiques de films de Pascal Chaumeil publiées précédemment:"Un plan parfait"-3,"L'arnacoeur"-3.Moyenne:4.