"Un peuple et son roi", le dernier film réalisé et écrit par Pierre Schoeller, nous avait avant même sa sortie, impressionné par la mise en scène photographique splendide de son affiche. Cette dernière étant d'autant plus intrigante puisqu'elle nous annonce déjà la fin inévitable du film, l'exécution du dernier roi de l'Ancien Régime, Louis XVI. A la droite, sur une rangée de noms listés à la verticale, un casting époustouflant nous avait été promus. Parmi eux, l'on retrouve Gaspard Ulliel et Adèle Haenel, tous deux incarnant des personnages fictifs issus de la classe populaire, mais aussi Laurent Laffitte et Céline Salette, qui interprètent le couple royal, ou encore Louis Garrel, dans le rôle de Robespierre, figure emblématique de la Révolution Française.
Comme vous l'aurez compris, le film tente de croiser les destins de gens du peuple, avec celui de personnages légendaires, un choix scénaristique, qui, malgré son originalité, reste risqué. En effet, le point fondamental d'"Un peuple et son roi" le plaçant en marge des scénarios classiques à propos de la Révolution Française, est cette volonté de nous, spectateurs, faire vivre cette fameuse période de l'Histoire française à la hauteur du peuple, à noter surtout des femmes. Des identités propres leur sont donc attribuées au travers de personnages illusoires, qui, soudainement, par un montage cut, se trouvent mêlés à des personnages qui ont réellement existés. Tant de protagonistes qui appartiennent tantôt à la fiction, tantôt au réel.
Additionné à ce défaut de l'intrigue, certains plans peuvent être troublants car ils reflètent en contrepartie l'incapacité de restituer dans son entièreté les décors du film. Bien que ce point ne soit pas totalement critiquable à vue du budget que cela représenterait, nous pouvons toutefois reprocher un certain manque de finesse, qui, s'il avait été maîtrisé, aurait pu passer inaperçu.
Le film, dans sa globalité, reste assez utile si l'on souhaite réviser nos connaissances, depuis la chute de la première pierre de la Bastille le 14 juillet 1789 jusqu'à celle de la tête du monarque déchu en janvier 1793. En ce sens, nous n'avons rien à reprocher à la reconstitution historique parfaite, due probablement aux travaux d'archives et de documentations précis et solides. Les quatre années de débats à propos du sort attribué au roi Louis XVI sont parfaitement bien illustrées, aussi bien parmi les députés dans l'assemblée, que dans les rues du faubourg. Une France divisée et partagée, sur des questions politiques, comme la signification de la citoyenneté, ou encore de la place de la femme dans la société, est mise en évidence. Des sujets qui restent évidemment d'actualités. Il reste important de soulever la métaphore du verre, sur lequel travaille avec intensité le personnage de Gaspard Ulliel, Basil : celle d'une démocratie encore fragile qu'il faut façonner. Un film donc lourd de sens.
Les doux effets de lumière générés par les simples éclairages à là bougies, sont aussi à relever, tant le charme rendu à certaines scènes que l'amplification donnée aux tourments psychiques des personnages ; en particulier, du peuple qui connaît un éveil politique mais doute encore de son autorité, mais aussi de Louis XVI, qui fait face à un peuple révolté qui lui veut sa peau, ou plutôt sa tête. Son dernier propos "Mais où est mon peuple ?" avant sa mise à mort est particulièrement poignant. Paradoxalement à la haine qui lui est réservée, nous, spectateurs, ressentons une fascination pour ce personnage, qui s'adonne à de longs silences et laisse couler quelques larmes sur son visage ferme lorsqu'il est contraint de quitter Versailles. Malheureusement, bien qu'il reste la problématique principale du récit, peu de scènes lui ont été attribuées ...
En somme, Un peuple et son roi reste un film particulièrement agréable à regarder, aussi bien au niveau des cadrages nous rappelant la composition de tableaux, ou de scènes de théâtre, que les éléments de décors, en particulier les costumes authentiques que revêt un nombre colossal de figurants. Les scènes les plus fascinantes, contre toute attente, restent celles des discours politiques, qui n'ont pas perdu de leur vitalité et modernité, à l'inverse de la romance ébauchée des deux protagonistes du film.