Comédie culte réunissant deux éminentes célébrités du cinéma français : Gabin et Belmondo. Henri Verneuil supervise la rencontre, à une époque où il n'a pas encore présenté cette rafale de polars prestigieux comprenant Mélodie en sous-sol, Le Clan des Siciliens ou encore Peur sur la ville. Nous sommes en 1962, Belmondo est en vogue grâce à Le Doulos et surtout A bout de souffle (sortie retentissante de Godard et film-étendard de la Nouvelle Vague), Gabin le vieux manitou sort du Président du même Verneuil.
Malgré quelques originalités de réalisation et un propos se voulant irrévérencieux, Un singe en hiver est un film ronflant, penaud et quelquefois à la limite de l’imbécillité. Le sur-jeu de Gabin et Belmondo, la lourdeur du propos, sont susceptible de rendre la séance vaguement divertissante, sans tromper la douce médiocrité pour autant. Quelques dialogues sont savoureux mais l'écriture d'Audiard est atone et assujettie à un propos benêt.
Avec Un singe en hiver, Verneuil véhicule une vision mesquine et simpliste des Hommes et de leurs habitudes. Prolongement de « La mauvaise réputation » de Brassens, le film envoie sa réflexion amère dans le mur et donne à l'anarchisme rêvé des avachis moroses un digne symbole. En somme c'est un produit assez con et triste, faisant l'aveu de ces qualités. L'alcool apporte la joie, or on sait bien qu'elle est éphémère, sinon presque fausse ; mais il faut bien lutter et puis c'est beau comme geste.
En revanche c'est moins beau quand les cons s'y mettent. Et les cons sont partout, les cons c'est les autres, voir cet Autre champêtre méritant pas de boire dans le fond ; voilà un motif d'évasion trop délicat pour les petites gens bornés et bêtes. Au contraire il y a les vertueux sauvages (et les loubards solides, même enveloppés dans une vie trop réglée). Alors Gabin admire Belmondo pour son côté enfant aventurier – en restant toutefois un homme droit et avisé, regrettant à l'occasion qu'un père se comporte de façon trop inconséquente.
La sympathie passe encore, mais l'espèce de transe dans laquelle Gabin est censé se trouver manque de sérieux voir de cohérence. Cela ne se voit pas trop puisque dans l'ensemble les portraits sont très bêtes : ah, salauds d'hypocrites, de moralistes, de besogneux ! Laissez vivre ceux qui le veulent, ceux qui ont suffisamment d'entrain pour aller s'exalter avec leur bouteille ! Les idées ne manquent pas cependant, même si les effusions véritables sont rares et les libérations dérisoires. Ce Singe en hiver serait le parfait compte-rendu d'un monde où les jeunes avec des transgressions pour vieux et les vieux qui auraient aimés être jeunes domineraient l'inconscient, le conscient, la morale et les pulsions collectives.
Plombant en effet. Il y a une foule de petits détails pour maintenir à flots, tout le temps ; et puis la bêtise (gentille, attention!) est remarquable aussi. Elle est entraînante, surtout quand elle se donne de façon explicite mais avec ce soin, indéniable, cet esprit, corrompu par une focalisation si pauvre ; l'étroitesse n'est pas tellement un problème en vérité, au contraire, elle apporte une complétude, éventuellement une intensité. Il y a de jolis instants, une bonhomie presque attendrissante par endroits et puis c'est ouvertement pathétique.
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