Un triomphe est le deuxième film d’Emmanuel Courcol après Cessez-le-feu. Il explore cette fois l’univers carcéral où un professeur de théâtre joué par Kad Merad décide de monter une pièce avec des détenus.


L’univers carcéral sans clichés


« C’est l’histoire de deux mecs dans la merde, qui espèrent des lendemains meilleurs. Ça ne vous parle pas ça ? ». Adapter Beckett avec des détenus, c’est l’histoire que nous raconte le deuxième film d’Emmanuel Courcol. Prix du public au Festival d’Angoulême, Un triomphe suit Etienne (Kad Merad), comédien de théâtre en galère, qui jongle entre les travaux alimentaires pour boucler ses fins de mois. Il accepte d’animer un théâtre en prison, avec des détenus dont il ne connaît rien. C'est alors le début d’une aventure humaine, vivante et inattendue.


Le film est adapté d’une histoire vraie tout droit venue de Suède dans les années 80. Un triomphe s'apparente à un cinéma qui veut s’éloigner des clichés de l’univers carcéral, qui veut tendre vers une ouverture bienveillante et une approche humaine du milieu. À de nombreuses reprises, le film esquive les écueils et déjoue les attentes. On retrouve une volonté de casser les idées reçues, le projet étant beaucoup nourri de matière documentaire. Le résultat est à la hauteur grâce à une vision plausible et réaliste. On y croit et c'est bien là l'essentiel.


Emmanuel Courcol met en scène un milieu à l’imaginaire violent. D’ailleurs, le film joue tout le temps avec cette bascule, cette frontière entre la joie et la violence, la comédie et le tragique, la douceur et l’agressivité. Sans jamais pourtant la franchir. Mais en tant que spectateur, la crainte est réelle. En adoptant le point de vue d’Etienne, le film montre aussi les rouages administratifs et les codes à l’œuvre dans le système pénitentiaire. Les blocages, les différences de points de vues. En peu de temps et peu de scène, le film rend compte de la complexité de cet univers. C'est un de ses atouts.


Un autre choix pertinent - qui vient alimenter le discours du film – est celui d’éluder complètement le passé des détenus. On ne sait rien d’eux, ou presque. C’est ainsi qu’Un triomphe peut développer le propos de la seconde chance, de leur donner vie dans l’instantané, sans jugements. En cela, le film s’approche du travail des intervenants en prison, qui souvent n’ont pas connaissance du passé des détenus. Il garde cette logique constructive qui consiste à apporter quelque chose de positif dans un univers qui ne l’est pas. Le film refuse les simplifications qui pourraient donner un ton foncièrement plus léger au film, sans oublier d’être dans un tempo comique, où se dégage beaucoup de vie.


Du cinéma social plein de vitalité


Question cinéma, Un triomphe s’accole à un genre proche de la comédie sociale à la Toledano-Nakache (Intouchables, Hors-normes). Du cinéma qui fait recette et un parti pris réaliste, qui à défaut d’originalité de traitement, est un costume qui lui va plutôt bien. C’est un film de bande, une aventure collective, un film de théâtre aussi. La mise en scène s'adapte très bien à ces différents enjeux visuels et de représentations. Le cadre est peu fixe, il bouge, vit.


Également, Un triomphe réserve des surprises par son approche touchante, comique et généreuse. On pense rapidement avoir fait le tour de l’histoire, pourtant le film ne cesse de déjouer habilement nos attentes et a priori. Il est imprévisible dans son cheminement. Et même si le film se veut volontairement optimiste, il ne cède pas aux sirènes du feel good movie facile, et aborde la question carcérale avec plus ou moins de finesse. Un triomphe fonctionne grâce à son énergie et sa vitalité. Les ingrédients sont simples mais très efficaces.


Ce discours progressiste sur la situation carcérale n’est pas si courant dans le cinéma. Emmanuel Courcol filme des écorchés vifs, mais avec vie, et dans le refus de la simplification. Il rejette le discours facile de la répression pour épouser celui de la réinsertion par l’art de la comédie. En cela, Un triomphe prouve qu’il n’est pas une comédie comme les autres.


Pour que ce film, riche en dialogues, fonctionne, il fallait un casting à la hauteur. Ici encore, le choix est étonnant d’autant plus qu’il est réussi. Kad Merad, touchant de justesse, trouve ici l’un de ses meilleurs (le meilleur ?) rôles. Il campe avec vigueur un personnage caractériel, têtu et malin, en quête de reconnaissance. C’est bien simple, il y a bien longtemps que l’acteur comique français n'avait pas autant ému, peut-être même jamais comme ça. Il est appuyé par une troupe d’acteurs convaincants avec Pierre Lottin, Sofian Khammes (découvert dans Chouf), David Ayala, Lamine Cissokho ou encore Wabinlé Nabié. A défaut d'être original dans la forme, Un triomphe se distingue ainsi par une vitalité et une énergie communicative. Et rien que ça, c'est déjà bien.


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JoRod
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le 27 nov. 2020

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