Mon amour du théâtre a vibré à l'unisson de mon amour du cinéma.
Le réalisateur a fait dans le cadrage et le montage à l'ancienne, comme des Curtiz ou Hawks qui
autrefois déjà magnifiaient des acteurs. Parlons-en de ces fous furieux, de Merad dont l'humanité est un cadeau. Au spectateur et aux autres acteurs.
Jouer des taulards qui apprennent à jouer du Beckett relevaient de la gageure impossible, on est bluffé, ému, pris aux tripes, on y croit dur comme fer, magie du théâtre, du cinéma, qui disent mieux la vérité que tout. Sur la condition des prisonniers, sur la Culture comme ferment pour maintenir en vie une société malade. Que j'ai eu mal à regarder les gardiens de prison ne pas jeter un œil à la pièce joué par leurs adversaires.
La prison est un lieu de guerres permanentes, entre les taulards et entre eux et leurs géôliers. A rendre fou. Et c'est en jouant des fous attendant Godot, qu'ils trouvent les mots, la voie pour retrouver leur dignité, leur cœur d'hommes.
La dramaturgie du film, basée sur une histoire vraie, réserve son lot de surprises, distille ses pics d'émotion où personne n'est oublié. Merci l'œil du cinéaste sur le jeu muet des acteurs, des plans courts qui en disent plus long que tous les beaux discours. Nulle esbrouffe, même si on flirte avec, à l' Odéon, Merad est un génie à être sur le fil du rasoir. Se libère de sa colère. D'écorché qui ne sentait plus aimé, écouté, égocentrisme de la douleur.
On se souviendra d'eux après le film, ces hommes dont les crimes resteront dans la pénombre, l'humanité mise en lumière.
- la citation est tirée de la folle pièce de Beckett, à la tête de génie "ça se voit ", montée et joué par Merad et sa troupe: En attendant Godot