Je vais commencer par tenter un parallèle - peut-être audacieux - entre Claude Lelouch et le réalisateur d'Annie Hall. Cela m'a sauté à l'esprit hier soir, alors que je me régalais du dernier film du père d'Un homme et une femme. J'imagine qu'il y aurait bien sûr des oppositions à trouver entre eux mais concentrons-nous un instant sur ce qui rapproche ces deux grands noms du cinéma :



  • Ils font tourner des femmes qu'ils aiment dans la vie (Diane Keaton, Marie-Sophie L.), qu'ils savent bien souvent - évidemment - magnifiquement filmer et mettre en valeur

  • Sous des dehors légers, sentimentaux, romantiques (réels), leurs films présentent à chaque fois des réflexions profondes sur le couple, les relations amoureuses, la fidélité, l'amitié... Et, comme dans la vie, la solennité le dispute souvent à la gaieté.

  • La musique qui accompagne leurs oeuvres est immédiatement reconnaissable : jazzy pour l'un, classique-symphonique pour l'autre, elles font partie intégrante de leur esthétique et participent de l'attachement que nous pouvons ressentir pour leurs univers

  • Les dialogues sont au cœur de leurs films. On peut parfois les trouver un peu "bavards", un peu intellos, un brin poseurs, mais force est de constater que Lelouch comme Allen tirent notamment la force de leurs créations de l'écriture des répliques, des échanges de leurs têtes d'affiches, où se mêlent souvent, avec maestria, l'amour et l'humour...

  • Leurs oeuvres ont une forte portée autobiographique

  • Dois-je parler du casting de leurs films ? Tous deux peuvent littéralement "s'offrir" n'importe quel acteur, leur nom à la réalisation étant un véritable label.

  • Au sortir d'un Allen ou d'un Lelouch, on se sent généralement bien, le cœur plus léger, l'esprit plus joyeux : leurs œuvres sont un bon pansement pour le moral.


J'arrête là mon parallèle, on trouvera sûrement à m'opposer des éléments qui les différencient (enjeux, problématiques, choix de scénarios), mais j'avais envie de mettre côte à côte, pour une fois, ces deux réalisateurs que j'adore.


Que vaut donc ce Un + Une ?
Au vu de ma note, je n'étonnerai personne en écrivant que j'ai adoré ce dernier-né de Claude Lelouch. J'avais déjà plutôt goûté son précédent film mais cette fois, j'ai encore moins de réserves : le réalisateur nous propose un face-à-face diablement émouvant entre (un excellent) Jean Dujardin et (la trop rare) Elsa Zylberstein qui déjoue avec intelligence bon nombre d'écueils de la comédie romantique classique, grâce à un scénario habile et original.


Lui est insupportablement énervant - même si charmant - elle est toute en séduction, en beauté, en sensibilité blessée, ils se cherchent et s'éloignent, elle le veut mais lui hésite, ni l'un ni l'autre ne sont disponibles, mais que faire de cet irrésistible désir qui les lie ?


J'ai trouvé ce cadre indien merveilleusement dépaysant - ces couleurs, ces sourires, ces moments de communion avec Amma (une sainte vivante) vraiment bouleversants - les dialogues entre Jean et Elsa savoureux, très drôles et vrais, laissent perpétuellement affleurer désir charnel et stratégies de séduction... Je garde en tête la scène où Elsa lui explique pourquoi elle ne peut refréner son envie de lui :



Mais c'est de votre faute aussi, vous vous êtes regardé, regardez-vous ! Je sais pas, vous êtes séduisant, vous êtes drôle, vous êtes libre, qu'est-ce qu'on fait avec vous ? comment on fait avec quelqu'un comme vous ? On est dans la merde, forcément ! Vous vous êtes vu ? Vous blaguez tout le temps, vous me faites marrer, comment je fais moi ?



Dieu que cette réplique est juste ! Et comme elle dit bien la difficulté de résister à l'envoûtement que peut exercer un autre sur vous, bien malgré vous et malgré l'autre parfois, malgré tout ce qui devrait empêcher la naissance du désir... La séduction, son inexplicable magie, savent déjouer tous les obstacles, pulvériser tous les freins.


Quel charme, quel charme que celui de cette femme, le naturel qui est le sien dans ses regards amoureux, langoureux, interrogateurs, ses yeux le cherchant lui et nul autre, et son mascara humide qui dit mieux que des mots son émotion, sa déception, ses attentes inassouvies.... Elsa Zylberstein crève l'écran de bout en bout. Dujardin est très juste aussi, mais davantage dans le registre que l'on attend habituellement de lui, un peu cabotin, rigolo, léger... What else ?


Bien sûr, ce film est une comédie romantique mais elle déploie avec tant de brio une savante palette d'émotions, toute en intelligence, en subtilité et en drôlerie (malgré quelques invraisemblances) qu'on se laisse porter par cette histoire d'amour impossible, et ce superbe duo d'acteurs (très bien dirigés) qui semble prendre un plaisir fou à jouer ensemble... Un vrai régal !

BrunePlatine
8
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le 10 avr. 2016

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