Lointain descendant de Sir Francis Drake et passionné d'histoire depuis toujours, Nathan Drake (Tom Holland) voit un jour débarquer dans sa vie l'arrogant Victor Sullivan (Mark Wahlberg) qui lui propose de l'aider à partir sur la piste d'un trésor colossal, reste de l'expédition inachevée de Magellan. Sans beaucoup d'hésitations, Drake part avec Sullivan sur la trace des caraques de Magellan, espérant en outre y trouver la trace de son frère disparu depuis 15 ans. Mais évidemment, ils ne sont pas les seuls sur le coup...
Le film d'aventures nous a-t-il livré tous ses secrets aujourd'hui ? Après avoir frissonné au rythme des chefs-d'œuvre de Spielberg ou des fictions délicieusement et soigneusement pulp de Stephen Sommers, y a-t-il encore une place pour l'aventure traditionnelle au cinéma aujourd'hui ?
Il est vrai qu'il doit être de plus en plus difficile d'écrire un film d'aventures qui n'ait pas déjà été fait 10 fois aujourd'hui. Pourtant, le propre de l'indémodable, c'est de savoir se réinventer constamment. Et Uncharted ne fait pas exception à la règle.
C'est dans les vieux pots qu'on fait les meilleures confitures, dit le dicton. Jaume Collet-Serra l'avait bien compris en nous offrant son merveilleux Jungle Cruise, Ruben Fleischer prend sa suite directe en réalisant l'épique Uncharted. Seulement, là où Collet-Serra choisissait la voie du pastiche en situant son intrigue dans une époque passée, Fleischer, lui, tire tous les codes du film d'aventures jusqu'à lui en les ancrant de plain-pied dans le XXIe siècle. Et ça fonctionne étonnamment bien !
En adaptant la célébrissime licence vidéoludique, il est clair que Fleischer et Sony cherchent à s'attirer les bonnes grâces d'un public bien défini. Néanmoins, il faut bien veiller à s'adresser également à la partie du public qui ne connaît rien au matériau de base, dont j'avoue faire partie. Pourtant, en tant que bon fan de films d'aventures et de Tom Holland, il était clair que Uncharted n'en était pas moins fait pour moi...
De fait, si je ne puis dire en aucun cas quoi penser d'Uncharted en tant qu'adaptation, je peux affirmer qu'en tant que film d'aventures, il nous offre quelque chose d'à la fois très classique et très novateur. C'est qu'en mêlant les codes de l'ancien et du nouveau, Ruben Fleischer - sans doute à la suite de Naughty Dog - se trouve un créneau parfait pour nous offrir des scènes d'action dont on n'avait littéralement jamais vu l'équivalent sur un écran (de cinéma, en tous cas).
C'est bien le plus grand intérêt de cet Uncharted cinématographique : il est absolument ébouriffant, dépassant peut-être à ce niveau les plus grands titres du cinéma d'aventures. Non que cela suffise à faire un bon film, mais à nous offrir un des divertissements les plus originaux de ces dernières années, ça oui.
Ainsi donc, si Ruben Fleischer ne cherche jamais à révolutionner le genre auquel il s'attaque, il montre en revanche qu'il sait sans cesse gonfler ses séquences d'action pour en faire des morceaux d'anthologie difficiles à oublier. En ayant recours au directeur de la photographie Chung Chung-hoon, venant tout droit du cinéma de Park Chan-wook en passant par la belle claque visuelle Last Night in Soho d'Edgar Wright, Fleischer assure ses arrières de la plus belle des manières et égrène son film de plans virtuoses, notamment lors de la vertigineuse scène de chute libre au-dessus de la mer, qu'on aurait aimé voir s'allonger à l'infini.
Mais la plus belle séquence du film est sans nul doute son prodigieux climax, qui résume à lui seul toute la politique du film : faire revivre le vieux, mais à la mode du nouveau. Il en résulte une scène d'abordage aérien entre deux navires anciens difficilement concevable, aussi jouissive que puissamment irréaliste. A cette image, c'est tout Uncharted qui joue à ce jeu : en chassant toute crédibilité de ses enchaînements de cascades impossibles, le film de Fleischer s'autorise à surprendre sans cesse son spectateur au gré de scènes d'une force sensorielle devenue trop rare dans le blockbuster contemporain. Jouant de notre perception de l'espace et de la gravité, Uncharted nous retourne comme une crêpe sur notre fauteuil, remplissant mieux que jamais son rôle de montagnes russes par écran interposé. Certes, on ne croit jamais réellement à ce qui se déroule sous nos yeux, mais c'est dans le contrat du film, et si on accepte ce contrat, force est de reconnaître que jamais, Uncharted ne le brise. Et on goûte alors un plaisir d'une pureté rare.
La qualité d'un film ne se résumant toutefois pas au plaisir pris devant, il faut bien se laisser rattraper par la lucidité pour constater les défauts d'un film qui n'en manque pas toujours. Ainsi, on s'étonne de voir combien les personnages se plaisent à ne jamais prendre de précautions lors de leurs coups d'éclat (Sully qui laisse ses empreintes digitales partout dans la salle des ventes où il vole son butin, ou encore le même Sully qui, après avoir échappé de peu à une flèche mortelle, recule pour se protéger tout en restant dans la ligne de mire...), le seul but de ces coups étant d'épater la galerie, c'est-à-dire le spectateur, pas de nous faire croire que cela se passe dans le monde réel. Pire, à certains moments du film, leur incapacité à réfléchir nous frappe de manière étonnante, comme lorsqu'il s'agit de dénicher une église spécifique au milieu de Barcelone et qu'ils regardent le petit nouveau qui leur a apporté la réponse comme s'il avait trouvé le Graal...
Sur ce plan-là, reconnaissons qu'Uncharted a de réelles carences que les scénaristes auraient pu facilement combler et qui sont rarement le signe d'un film bien soigné.
Fort heureusement, ces petits éléments qui apportent un peu de flou dans le bon déroulé du récit ne sont que peu de choses face aux qualités mentionnés ci-dessus, et n'empêchent nullement le film de puiser sa plus grande force là où elle se trouve : dans son duo d'acteurs principaux, absolument génial.
On sait tout le bien qu'il faut penser de Tom Holland depuis longtemps, mais on aime se rappeler à quel point il crève l'écran à chacune de ses apparitions (surtout qu'il a rarement été autant mis en valeur qu'ici, puisqu'il n'a pas de costume pour le masquer dans les moments cruciaux du récit). Malgré un humour assez déficient, Mark Wahlberg constitue un joli pendant au naïf Tom Holland dans la peau du vieux briscard qui n'aime pas faire apparaître son grand cœur. L'alchimie entre les deux est sans aucun doute le meilleur point du film et si, en face d'eux, on regrette qu'Antonio Banderas n'ait pas l'occasion de donner davantage d'épaisseur à son personnage, on est toujours content de le retrouver dans un rôle qui lui rend un tant soit peu justice.
Et c'est au gré des notes épiques de Ramin Djawadi qu'on constate, à l'issue de deux heures (très) bien remplies, qu'on n'a jamais trouvé une minute de film pour s'ennuyer, et qu'on regarde le dernier plan du film en goûtant avec un délice peut-être un peu cruel son ironie mordante : le mât d'un vieux navire s'enfonçant dans la mer pendant qu'au second plan, un hélicoptère futuriste s'éloigne vers le soleil couchant.
Comme si, après s'être approprié tout son héritage, le blockbuster moderne enterrait définitivement derrière lui le vieux film d'aventures auquel il doit tout, sans se retourner, dans un baroud d'honneur aussi jouissif que spectaculaire. Et peut-être un peu ingrat, aussi.