Très beau film prenant que ce یر سایه (Zeer-e sāye), rondement mené par un duo d'actrices excellentes, Narges Rashidi et Avin Manshadi (respectivement mère et fille dans le film).
Prenant place durant le conflit Iran-Irak dans les années 80, la première partie du film nous plonge dans l'ambiance stressante de la vie à Téhéran, ponctuée par la sirène d'alarme indiquant un bombardement imminent.
L'on y présente donc le quotidien de quelques familles vivant dans un immeuble de la ville, entre tradition post-révolution culturelle islamique (un retour au source de la religion) et progressistes.
C'est ainsi que l'on voit Shideh (Rashidi) faire de la gym quotidiennement, en regardant Jane Fonda's Workout sur une VHS et dans une autre scène, lorsque le vitrier vient faire son boulot (après qu'un missile défectueux se soit planté au sommet de l'immeuble, occasionnant des dégâts mineurs), Shideh se hâte d'occulter le magnétoscope (car "contre-révolutionnaire" et rattaché au capitalisme) au fond de son meuble de salon.
Voir aussi la course nocturne de Shideh et sa fille Dorsa, interrompue par une patrouille militaire, qui les arrêtent, car Shideh a osée sortir en T-Shirt et sans voile cachant ses cheveux...
Sans oublier que comme la jeune femme fut partie prenante dans le parti radical de gauche (soit contre-révolutionnaire) dans sa jeunesse, on lui refuse le droit de reprendre ses études, marquée à jamais de l'infâme sceau de "rebelle".
Puis lorsque son mari Iraj (Bobby Naderi) - un médecin - est envoyé dans une zone de combat pour exercer, Shideh refuse de se réfugier chez les parents de celui-ci (que l'on imagine traditionaliste, donc à l'opposé de ce qui définit la jeune épouse.
C'est à ce moment là qu'une ambiance fantastique commence à poindre dans le métrage.
C'est d'abord par le biais de la petite Dorsa - qui rapporte une conversation d'avec l'un des autres enfants de l'immeuble - que l'idée de Djinn (esprit maléfique de la culture islamique, soit جِنّ) est mentionnée.
Lorsque sa poupée Kimia disparait soudainement, Dorsa accuse immédiatement les Djinns de l'avoir fait.
Puis, par petites touches parsemées ici et là,
des apparitions fugaces se font jour (les CGI sont l'unique point faible de ce film), bien que Shideh soit peu encline à croire en cela.
Mais après avoir été témoin de l'apparition de l'un d'eux,
Shideh commencera alors à vivre dans l'angoisse.
D'autant plus que l'immeuble se vide peu à peu de ses occupants, partis se réfugier dans des endroits moins exposés aux tirs Irakien.
Le réalisateur/scénariste Babak Anvari, s'applique alors à
brouiller quelques peu les pistes, laissant penser que Shideh pourrait être en train de perdre la raison. Mais assez rapidement, nous (spectateurs) voyons enfin
la réalité de la chose...
Entre triste constat (vivre dans la peur des bombardements), clash idéologique (traditionalistes VS modérés) et légende orientales (les Djinns) , Zeer-e sāye s'impose comme un film très abouti, visuellement très beau, une direction artistique reflétant les 80's avec parcimonie et dotée d'une interprétation sans faille.
Une très bonne surprise que cette coproduction Jordanie/Royaume-Uni/Qatar, avec en plus-value une BO excellente de Gavin McCullen.
A savourer en VOSTFR - soit en persan - pour une immersion totale.