Des chausse-trappes que le récit évite avec une aisance admirable, porté par la mise en scène extrêmement intelligente de "Babak Anvari". Sa caméra suit le quotidien d’une femme au foyer, que son engagement politique prive de la poursuite de ses études, tandis que son appartement et sa fille deviennent la cible de manifestations surnaturelles.
Avec minutie, la caméra d’"Anvari" l’isole au sein des plans, alors que les rites du quotidien ou les certitudes du personnage se distordent. Pour y parvenir, le cinéaste orchestre une montée progressive de l’horreur absolument implacable. Des objets perdus, aux rêves angoissants, jusqu’aux apparitions d’entités monstrueuses (l’abominable machin dentu risque de vous empêcher de dormir un bon bout de temps), la progression cauchemardesque du récit, soutenue par une composition rigoureuse de l’image, ne laisse aucune échappatoire au spectateur.
En utilisant des textures et notamment de textiles pour générer l’effroi, Under the Shadow créé petit à petit un écosystème dans lequel la femme indépendante jouée par Narges Rashidi n’a d’autre choix que de renoncer à tout ce qui la définit comme individu. L’amour de sa fille, la fierté inhérente à ses engagements et jusqu’à sa féminité sont ainsi engloutis par l’abominable entité qui la traque.
Et ce, jusqu’à un plan stupéfiant, contenant la force et la grâce du projet, où l’héroïne – ainsi que le spectateur – confond un instant la silhouette voilée du personnage avec celle du redoutable Djinn qui la traque. Et "Under the Shadow", tout en nous proposant un sincère film d’horreur intime, de dresser un réquisitoire glaçant de l’inhumanité consécutive à la situation qu’il dépeint.