Quatre ans après l'excellent thriller horrifico-fantastique It Follows, David Robert Mitchell revient avec Under the Silver Lake, qui au passage, était en compétition officielle au festival de Cannes 2018.
Le réalisateur, qui n'en est qu'à son troisième film, s'est cette fois lancé dans un projet d'une plus grande ambition.
Son histoire se déroule à Los Angeles. Ville que David Robert Mitchell dit "aimer autant qu'il la méprise", et qu'il dépeint avec force, comme d'autres l'ont déjà fait avant lui (Damien Chazelle ou Nicolas Winding Refn, au hasard), en la rendant, d'une certaine manière, plus qu'elle ne l'est vraiment...Toujours est-il que L.A est ici plus qu'un simple cadre, c'est un élément essentiel de l'ambiance et de l'identité du film.
C'est dans un quartier plutôt cool de la ville que vit Sam, trentenaire geek qui n'a pas franchement le goût de l'effort et qui ne semble pas pressé de chercher du travail, quand bien même les loyers impayés s'accumulent...
Un jour, il fait la connaissance de Sarah et ses faux airs de Laura Palmer qui aurait rencontré Marilyn Monroe. Sauf que le lendemain, la belle a littéralement disparu, laissant derrière elle un appartement entièrement vide...ou presque. Encore abasourdi par la nouvelle, Sam observe une jeune femme qui vient chercher une boite à chaussures restée dans un placard de l'appartement. Ni une, ni deux, notre homme la prend en filature...et va alors mettre les pieds, sans le savoir, dans une intrigue qui le dépasse complètement...
Alors qu'It Follows évoquait, de manière détournée, la perte de l'innocence, Under The Silver Lake se penche sur cette génération de jeunes adultes qui se réfugient dans les soirées, l'alcool, le sexe facile ou encore la pop culture -qui constitue un ensemble de repères rassurants, renvoyant souvent à l'âge d'or de l'enfance et de l'adolescence-.
Des trentenaires effrayés par ce que la société leur propose et qui préfère parfois regarder ailleurs, avec le rêve de trouver un jour un sens à leur existence, en dépit d'une réalité qui les rattrape impitoyablement (symbolisée dans le film par le gestionnaire de la résidence ou le conducteur de la dépanneuse qui lui retire son véhicule, par exemple).
David Robert Mitchell propose un film très codé, bourré de références, qui étrangement, est à la fois une ode à la pop culture (bien plus que Ready Player One d'ailleurs, même si les deux films n'ont rien d'autre en commun) et une œuvre qui la balaye d'un revers de main via un discours nihiliste pour le moins prononcé.
Si le réalisateur égratigne sérieusement l'univers de Sam (et de ceux qu'il incarne), il n'en digère pas moins ses propres références de manière très convaincante. A l'évidence, David Robert Mitchell est un amoureux d'Hollywood, un vrai. Et s'il n'hésite pas à s'attaquer à la vacuité de ce monde si particulier et des terribles différences que l'industrie du cinéma génère (pour une star, combien d'acteurs qui courront éternellement après un rôle digne de ce nom?), son film n'en est pas moins un concentré d'hommages (mise en scène, musique...) aux productions d'antan, notamment celles des années 40/50...
Under the Silver Lake et son scénario labyrinthiquo-complotiste ne plaira pas à tous. C'est finalement une œuvre assez générationnelle qui ne touchera probablement pas le spectateur trop jeune...ou trop âgé.
Quand certains pointeront un scénario parfois un peu confus, d'autres regretteront au contraire que le film n'entretienne pas le mystère jusqu'au bout et qu'il en dise trop sur la fin, comme s'il était impératif de mettre des mots sur tout.
Il n'empêche qu'Under the Silver Lake est un film qui parvient à proposer un vrai contenu, tout en gardant un ton relativement léger et rafraîchissant, grâce à son humour décalé, côtoyant souvent l'absurde (difficile d'ailleurs, de ne pas penser à Lynch parfois), sans jamais vraiment y sombrer,
Le troisième film de Mitchell réussi à tenir un rythme et un intérêt qui maintiennent le spectateur aux aguets pendant près de 2h20, pour nous livrer ce qu'on pourrait considérer comme une version désenchantée et déglinguée de La La Land.