La montagne de références cinématographiques suffirait déjà au bonheur de tout cinéphile qui se respecte : on pense immédiatement à Inherent Vice mélangé à Vertigo, au Grand Sommeil et à The Big Lebowski, Mulholland Drive et Body Double ne sont pas très loin non plus (et bien d'autres encore). Mais le film possède évidemment ses propres qualités : une mise en scène hallucinatoire, une bande-son psychédélique entre score à la Herrmann et pop ensoleillée, et une intrigue onirique certes très habituelle pour le genre, mais résolument moderne, retravaillée esthétiquement et adaptée à notre époque. Là où Inherent Vice dressait le portrait délirant d’une Amérique post-hippie qui souffrait d'une gueule de bois généralisée, David Robert Mitchell montre, 40 ans plus tard, une Amérique totalement narcissique et paranoïaque, littéralement lobotomisée par toutes sortes d’écrans. Le personnage principal, dont la post-adolescence semble s'éterniser, trouve dans l'interprétation des symboles et la recherche de complots, un remède à l'ennui profond dans lequel lui et ses contemporains baignent. Le film semble régulièrement suggérer de manière subtile et discrète, par la mise en scène, que les péripéties de Sam sont autant de mirages issus d'un imaginaire nourri de cinéma et de jeux vidéos, qui viennent se substituer au désert de l'existence morne qu'il semble mener.
Pour autant, le film exerce sur nous une sorte de fascination maléfique, la paranoïa qui s'en dégage est contagieuse et on a aucun mal à adopter le point de vue de ce loser sympathique dès le début du film puis de voir le monde qui l'entoure à travers ses yeux : l'air constamment ahuri d'Andrew Garfield y est sans doute pour quelque chose. On en sort secoués, fatigués, prêts à imaginer à notre tour toutes sortes d'histoires délirantes qui viendraient donner un peu de sens à l’absurdité qui nous entoure, ou un peu de mystère aux évidences plates de nos existences.
https://www.youtube.com/watch?v=zgvUaOuEdwA