Attention futurs spectateurs : soyez avertis.
Sous couvert d'une banale histoire d'enquête de type film noir (une femme sexy disparaît brutalement), Under the Silver Lake joue avec le thème du conspirationnisme et de ses mécanismes d'une façon aussi intéressante que déroutante.
Partant du constat qu'aujourd'hui nous sommes tous soumis à une quantité invraisemblable d'informations, pourquoi ne pas les considérer comme des messages à décrypter, où il s'agirait de gagner une prise sur le monde en trouvant une cohérence, même s'il s'agit d'une construction ?
Le réalisateur encourage son spectateur à faire ce travail en semant des miettes, tantôt excitantes, évidentes, subtiles, grossières. Vous pourrez tenter de repérer les références à d'autres films, à des jeux vidéos ; à des éléments visuels, musicaux et même olfactifs, puisque chaque sens sera sollicité pour vous suggérer des pistes à l'infini.
Parce que vous serez mis dans la position du personnage principal, merveilleusement interprété par Andrew Garfield (un anti-héros dérangeant antipathique puant, drogué, misogyne et complètement obsessionnel) : comme lui, vous serez en quête, presque mystique, du sens caché de ce film.
Avouez quand même que l'identification avec le personnage n'est guère flatteuse !
Et pourtant ça marche. L'expérience est captivante puisqu'elle force l'attention de façon constante. On est stimulé, presque à l'excès, mais avec justesse. Il y a toujours un détail, un élément anxiogène, hilarant parce qu'absurde, pour un résultant presque magique.
Le film est d'ailleurs d'une beauté formelle impressionnante. La photographie et le mixage sont remarquables.
Si certaines mauvaises langues diront que trop c'est trop et balader le spectateur à ce point c'est le malmener, je répondrai qu'il s'agit d'une démarche intentionnelle, c'est même le thème même du film : dans notre quête de sens, où peut-on s'arrêter ? Et la réponse du film qui semble être "nulle part" en fait sa force.
Comme lorsque le personnage joue à Mario, dans ce niveau caché et buggé dont on ne peut pas sortir, le spectateur restera perdant. Mais comme on se sent malin lorsqu'on le découvre !
Frustrant pour certains, fascinant pour d'autres, Under the Silver Lake reste construit avec intelligence et maîtrise.